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La Chimère (ShizNat, évidemment...)
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Briseglace
Otome Corail


Inscrit le: 21 Mar 2009
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MessagePosté le: Sam Mar 21, 2009 10:27 am    Sujet du message: La Chimère (ShizNat, évidemment...) Répondre en citant

Bon, je me lance! Comme je me suis inscrite spécialement pour la publier, je peux plus faire marche arrière, ne? C'est ma première fanfiction, j'espère qu'elle vous plaira!

LA CHIMÈRE

Prologue


28 Mars 2014

Du verre. Partout.

C'était la première chose qu'elle avait vu lorsqu'elle était entrée dans la salle où elle avait pour habitude de travailler.

Du verre sur le sol, du verre sur le bureau, sur les feuilles de recherche, et même incrusté dans les parois des murs. Des éclats tranchants partout dans la pièce, qui brillaient comme des couteaux.

Et puis les gardes étaient arrivés, les alarmes de sécurité avaient vibrées dans la nuit et la chasse avait commencée. Restée seule dans la pièce, elle entendait de loin les cris des hommes, le bruit de leurs pas, les hurlements des chiens qui avaient été lâchés. Mais tout cela se passait dehors. Elle, elle était au plus profond des entrailles du bâtiment qui abritait ses précieuses recherches.

Alors qu'elle posait un regard vide de toute expression sur les restes de la colonne de verre qui il y avait quelques heures à peine était le réceptacle d'une expérience particulièrement prometteuse, elle se sentit hurler silencieusement de rage.

Elle avait été si proche de réussir!

Prudemment, elle marcha vers son bureau -ou plutôt ce qu'il en restait-, alluma la lampe qui y était posée et commença à trier, comme un automate, des dossiers qu'elle était la seule à connaître et sur lesquels personne ne devait jamais mettre la main. Jamais.
Le verre crissait désagréablement sous ses pieds mais elle préférait ne pas y prêter attention pour le moment. Elle avait bien mieux à faire. Mais contrairement aux apparences, son esprit était en ébullition.
Elle savait que l'évasion d'un cobaye allait faire tâche sur son curriculum vitae et que son futur proche risquait d'être très mouvementé. Si les gardes parvenait à le récupérer avant qu'il n'ait quitté l'enceinte du laboratoire et pénétré dans la forêt, elle pouvait s'attendre à une simple petite remontrance.

Elle sentit un filet de sueur de faufiller dans son dos à la seule pensée de ce qui pourrait arriver si le cobaye parvenait à s'échapper définitivement. Aucun doute qu'elle risquait très gros. Surtout sur un projet pareil.

Avec un soupir, elle donna un vague coup de pied dans un éclat de verre particulièrement imposant et attira son fauteuil jusqu'à elle pour s'y asseoir sans se préoccuper du verre qui s'y trouvait. Elle posa une main sur son visage quelques instants, inspira profondément, repoussa sa longue chevelure noire d'un geste agacé de l'autre main et ferma les yeux.

Personne ne devait savoir ce qu'il se passait dans ce laboratoire. Sinon elle en payerait le prix.

Elle se releva, épousseta sa longue blouse blanche machinalement et se dirigea vers une pièce adjacente sans prêter plus longtemps attention au carnage qui lui faisait à présent office de bureau. Les cobayes, habituellement, étaient tellement amorphes qu'ils étaient rarement capables de faire le moindre geste dans sa direction. Ouvrir les yeux leur était déjà trop pénible. Pourtant, cette fille avait réussit non seulement à bouger, mas en plus à faire exploser sa prison et s'enfuir du laboratoire avec force et fracas. Nul doute que la discrétion n'avait pas été alors sa priorité.

C'était dangereux. Très dangereux. Mais puisqu'il fallait rester positif, elle préférait penser que cela voulait dire qu'elle touchait enfin au but. Que bientôt ce projet de cauchemar serait terminé et qu'elle pourrait reprendre sa vie là où elle l'avait laissé quelques mois plus tôt.

En entrant dans la pièce, elle fut accueillie par cette atmosphère bleutée si particulière qui résultait des nombreux halogènes éclairant la petite salle. Au centre se trouvait une autre colonne de verre, intacte celle-ci, dans laquelle une jeune fille dormait. Des dizaines de tubes et fils dont elle ne comprenait pas exactement le rôle était reliés à son corps, attachés à sa peau, transperçant parfois cette dernière pour pénétrer dans ses veines et la maintenant dans cet état de sommeil artificiel depuis des mois.

Depuis que tout avait commencé.

Elle s'approcha cérémonieusement de la jeune fille et posa sa main contre la paroi de verre. Pour se sentir plus proche d'elle. Pour lui montrer qu'elle ne l'oubliait pas.

Et pour reprendre des forces après ce qui venait de se passer, pour se rappeler pourquoi elle se battait. Pour qui.

Son front vint rejoindre sa main au moment où une voix perça l'obscurité derrière elle.

« Natsuki? »

Cette voix, elle la reconnaîtrait entre mille. Cette voix, elle la haïssait car elle appartenait à celle qui était responsable de sa présence dans ce laboratoire de cauchemar. Cette voix, elle l'adorait pourtant, parce qu'elle appartenait à la seule personne en qui elle pouvait avoir confiance, la seule.
C'est pour cette raison que lorsqu'elle se tourna vers la femme qui venait de l'appeler par son prénom, son vrai prénom, son visage offrait un triste sourire rempli de tendresse et de douleur mêlées.

Rena Sayers était la seconde généticienne en charge du projet scientifique qui leur avait été imposé. Cet échec, c'était le leur. Si le cobaye n'était pas rattrapé, elles se retrouveraient toutes les deux dans la même situation.
Dire qu'elles se ressemblaient aurait sans doute été un euphémisme. La vérité, c'était que si leurs yeux n'avaient pas été si différents, elles auraient pu être confondues l'une avec l'autre. À l'université, là où elles s'étaient rencontrées, elles s'en étaient beaucoup amusées. Depuis ce qui semblait toujours, elles s'étaient vues comme deux soeurs. Même apparence, même passion, et tristement, même présent et probablement même futur.

« Avons-nous eu raison, Rena? » murmura-t-elle en reposant les yeux sur la forme prisonnière de la colonne de verre, comme si elle cherchait la réponse dans ces yeux clos.

« Nous n'avons jamais eu le choix. »

« J'ai honte. » souffla-t-elle, ailleurs.

« Il n'y a pas de honte à vouloir protéger ceux que l'on aime. »

« Mais pas à... pas pour ça. »

Rena soupira et détourna le regard quelques instants. Le dilemme était éternel. Il ne s'éteindrait que le jour où tout se terminerait. Et ce jour semblait ne jamais vouloir arriver. Elle avança à son tour vers la colonne et posa des yeux remplis d'adoration sur la jeune fille qui s'y trouvait.

« Je me bats pour elle, Natsuki. Je ne veux pas penser au reste. Tant que je le fais pour elle, tout est juste. »

Natsuki se retourna brusquement et en quelques enjambées se retrouva de nouveau à la porte donnant sur son bureau. Juste avant de quitter la pièce, elle murmura si doucement que Rena dû tendre l'oreille pour comprendre ses paroles. « Moi aussi ».

Oui, elle aussi, elle se battait pour elle. Mais rien ne lui semblait moins juste à cet instant. La vie était une perpétuelle injustice.

*

31 Mars 2014


Du blanc. Partout.

C'est la première chose qu'elle avait vu lorsqu'elle était entrée dans l'hôpital en courant, Nao sur ses talons.

Du blanc sur les murs, du blanc sur les personnes qui couraient avec frénésie dans les couloirs, sur le carrelage et surgissant des ampoules électriques qui parsemaient le plafond. Elle s'arrêta un bref instant lorsque le flot de lumière frappa ses pupilles pour reprendre ses esprits et laisser le temps à ses yeux de s'adapter au changement.

Dehors, c'était la nuit, il pleuvait et il faisait froid. Elle avait passé la soirée au poste de police à attendre sans véritable espoir que quelque chose d'intéressant arrive pendant la nuit. Lorsque l'hôpital avait contacté son chef pour lui demander d'urgence une équipe d'agents et que ce dernier avait choisi de l'envoyer elle et sa coéquipière de toujours, Nao Yuuki, plutôt que l'une des autres équipes habituelles, elle avait compris qu'il venait d'arriver quelque chose de gros. De très gros.

Elle avait à peine eut le temps d'agripper son manteau et sa plaque avant d'être tiré par le bras par son amie aux cheveux rouges, plus excitée que jamais. Elles avaient conduit peu prudemment.

Elle avança d'un pas décidé mais gracieux vers l'accueil sans se préoccuper de sa coéquipière qui était déjà occupée à regarder dans chaque recoin de l'immense salle d'attente dans le but de piocher la moindre information, et interpella la secrétaire d'une voix aimable et décontractée, le visage plus neutre que jamais.

« Agent Shizuru Fujino, je viens d'être chargée de vérifier l'arrivée d'un patient il y a quelques heures, est-ce que vous pouvez me dire où le trouver, s'il vous plaît? »

Elle aimait toujours beaucoup la réaction des jeunes femmes lorsqu'elles la voyaient pour la première fois. Cette dernière ne faisait pas exception à la règle. Après avoir levé vers elle un visage ennuyé, la secrétaire avait brusquement écarquillé les yeux, avait ensuite furieusement rougie et s'était de suite réfugiée dans le registre des entrées de peur de mourir de honte si elle relevait les yeux vers la femme qui lui faisait face.
Shizuru aimait faire rougir les femmes qui la regardaient. La plupart du temps, elle avait juste à se montrer et c'était gagné. Son sourire s'effaça cependant lorsqu'elle se rappela le pourquoi elle aimait tant ce petit jeu. L'image d'une jeune fille aux cheveux noirs comme de l'encre et aux yeux vert émeraude s'imposa à elle, comme un mauvais rêve, et elle su qu'elle la hanterait pour le reste de la soirée.
Quand le souvenir de Natsuki s'invitait dans son esprit, rien ni personne ne pouvait l'en faire sortir. Seul le sommeil arrivait à la chasser.

« Elle se trouve dans la chambre 216. Deuxième étage. Elle est arrivée il y a... deux heures à peu près. »

Elle revint à la réalité juste assez longtemps pour comprendre ce que la jeune secrétaire lui disait et pour se diriger vers l'ascenseur, comme un automate, avant de repartir dans les limbes de ses douloureux souvenirs.

Après le Festival, Natsuki et elle n'avaient pas réussi à réapprendre à vivre ensemble. Après quelques tentatives infructueuses, la jeune fille avait fini par abandonner et s'était exilée aux Etats-Unis pour, disait-elle, continuer ses études. Shizuru songea avec amertume qu'elle ne savait même pas de quelles études il s'agissait.

L'ascenseur s'ouvrit et elle sortit, toujours sans prêter la moindre attention à son environnement, et ses pas la guidèrent dans l'un des deux couloirs.

C'était il y a huit ans. Personne n'avait jamais plus eu de nouvelle de Natsuki depuis. C'était comme si elles n'avait jamais existé.
Elle jeta un yeux derrière elle et vit que Nao, de façon surprenante, parvenait à la suivre tout en cherchant des yeux un maximum d'informations aux alentours. « Personne » n'incluait sans doute pas la femme aux cheveux rouges. Nao savait toujours tout sur tout, même si elle gardait ses informations jalousement gardées. Elle savait que cette dernière en savait sans doute beaucoup plus qu'elle ne prétendait lorsque le sujet « Natsuki Kuga » était abordé, mais c'était une amie trop loyale pour divulguer des informations à d'autres personnes qui qu'elles soient lorsqu'on lui avait demandé le contraire. Nul doute que Natsuki était en contact avec elle. Ces deux là, après le Festival, avaient découvert à quel point elles étaient semblables et étaient devenues inséparables.

La porte blanche de la chambre 216 se présenta devant elles avant qu'elle n'ait eu le temps de se rendre compte qu'elle avait traversé le couloir. Tentant d'ignorer le souvenir de son amour perdu, elle entra après avoir frappé pour la forme et fut surprise de trouver deux personnes connues au chevet de... quelque chose.

La forme étendue sur le lit et reliée à un appareil respiratoire qui semblait la maintenir en vie avait l'apparence d'un être humain.

L'apparence. Il y avait quelque chose de définitivement félin dans la façon qu'elle avait de se tenir. Ou peut être était-ce le fait que des poils blonds et noirs couvraient certaines parties de son corps comme les épaules, le cou ou la poitrine.

C'était une femme. Ou quelque chose comme cela. Une femme blonde.

La simple image de cette chose suffit à sortir Natsuki des pensées de Shizuru pour un certain temps. Sa bouche lui apparut soudainement sèche et amère. Incapable de parler, elle jeta un oeil derrière elle pour voir que Nao était plus pâle qu'un linge et visiblement aussi hébétée qu'elle.
Elle se tourna vers les deux médecins, qu'elle connaissait depuis très longtemps, et leur posa une interrogation muette.

Une femme aux cheveux bruns décoiffés, sans doute par cette étrange découverte, et portant avec élégance une paire de lunettes carrées et une longue blouse blanche pris la parole avec hésitation.

« Nous... ne savons pas ce que c'est. »

« Les analyses de sang sont en cours. » termina son collègue en ébouriffant avec anxiété ses cheveux noirs.

« Pourquoi nous avoir appelés, Yukino, si vous ne savez pas ce que c'est? » demanda-t-elle enfin, incapable de détourner les yeux de la forme étendue sur le lit.

« Parce qu'il faut à tout prix que personne, pas même un seul journaliste, ne sache qu'elle est ici et... ce qu'elle pourrait être. »

« Nous allons nous en charger », répondit Nao qui sembla sortir de sa torpeur avant de poursuivre, « nous trouverons comment... c'est arrivé. »

Sans un mot, elles sortirent toutes les deux de la pièce sans oser se regarder. La vérité, c'était qu'elles pressentaient toutes les deux l'horreur qui se cachait derrière le passé de cette... chose.

De toute façon, lorsque l'on était enquêteur, la vie était une perpétuelle horreur.
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Briseglace
Otome Corail


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MessagePosté le: Sam Mar 21, 2009 10:32 am    Sujet du message: Répondre en citant

Je poste de suite le premier chapitre, désolée pour le double-post...

LA CHIMÈRE

Chapitre 1 : La Chose

31 Mars - 1er Avril 2014

Le bruit d'une canette de coca cola tombant dans le fond du panier d'un distributeur de boisson résonna dans la salle d'attente de l'hôpital. Les quelques personnes qui se trouvaient dans la même pièce sursautèrent avant de jeter des regards réprobateurs à la femme rousse visiblement responsable du bruit indésirable.
Cette dernière leur fit un sourire narquois plus glacial que les nuits sibériennes avant de se diriger vers Shizuru et s'asseoir à ses côtés. Silencieuse, cette dernière faisait mine de s'intéresser au journal ouvert qu'elle avait dans les mains, mais aucune d'entre elles n'était dupe.

Leurs esprits étaient focalisés sur ce qu'elles avaient vu quelques heures plus tôt, dans cette chambre au deuxième étage, et qui ne leur rappelait que trop de mauvais souvenirs.

Nao joua avec la canette qu'elle tenait dans les mains tout en essayant en vain de chasser de son esprit l'image d'une petite fille blonde que les Himes avaient rencontrée huit ans plus tôt.

L'Hime artificielle. Le pantin de la fondation Searrs. « Celle qui ne devait pas exister », comme l'appelaient souvent ses propres créateurs.

Alyssa.

Shizuru se demandait vaguement si les Searrs n'avaient pas remis ça. Cela semblait peu probable pourtant. Depuis quelques années, la fondation avait été reprise en main par une jeune directrice dont l'honnêteté et la bonne volonté n'était plus à prouver. Elle avait redressé la fondation, avait licencié tous les scientifiques véreux qui s'y trouvaient et avait fait la promesse de redorer le blason de ce centre de recherche. Et aujourd'hui c'était, semblait-il, chose faite.

Nao se posait les même questions.

Il était une heure du matin lorsque la secrétaire, toute rougissante dans son uniforme clair, vint les appeler pour les mener vers le bureau du docteur Yukino Chrysant.
Lorsqu'elles entrèrent dans la petite pièce, elles furent accueillies par les visages inquiets de Reito et Yukino, tous deux déjà assis sur des sièges à l'apparence peu confortable. Le plus âgé des deux ne cessait pas de s'ébouriffer les cheveux nerveusement, tandis que sa cadette tortillait inconfortablement la monture de ses lunettes.

Lorsque la secrétaire eut fermé la porte, un silence pesant s'installa entre les quatre amis de longues date. Finalement, le docteur Chrysant se racla la gorge et entama la conversation par une invitation.

« Shizuru-san, Nao-san, asseyez-vous, je vous prie. Nous risquons d'en avoir pour un moment. »

Une fois assise, Shizuru eut l'agréable surprise de voir Yukino se lever pour lui servir du thé. Elle la remercia du bout des lèvres, trop tendue pour laisser percevoir sa gratitude. Elle rêvait d'une tasse de thé depuis des heures.

Yukino lui fit un petit sourire et reprit sa place avant de poursuivre aussi posément qu'à son habitude.

« Je suppose qu'il est inutile de vous demander de garder le silence le plus absolu sur tout ce qui se dira dans cette pièce dans les minutes à venir. »

« Il ne me semble pas qu'on t'ait déjà fait faux-bond, Yukino » répliqua Nao en fronçant les sourcils. « J'aimerais savoir ce qui se passe le plus vite possible. »

Avec un hochement de tête neutre, Yukino se tourna vers Reito Kanzaki, comme pour lui signifier que la parole lui était donnée. Ce dernier se leva en portant avec lui une liasse de feuilles et prit la parole d'une voix assurée, comme toujours.

« J'ai été chargée de l'opération lorsque... lorsque c'est arrivé. Je n'avais jamais opéré une telle chose avant, c'est une grande première. »

Il tendit vers les deux femmes une feuille.

« Ce sont les résultats de l'analyse de sang. Comme vous pouvez le voir, tous les résultats sont complètement hors-normes. C'est pour cela que nous vous avons fait attendre aussi longtemps. » Il soupira et s'ébouriffa une nouvelle voix les cheveux. « J'ai décidé de faire une analyse de son ADN. »

La tension monta d'un cran entre les quatre protagonistes. Shizuru ferma les yeux. Elle avait pressentie quelque chose de ce genre au moment même où ses yeux s'étaient posés sur la forme étendue sur le lit de la chambre 216. Elle savait que Nao l'avait prévu également. Mais entendre était une toute autre chose que d'avoir un vague instinct.

L'homme leur donna une autre feuille.

« Comme vous pouvez le voir, ce n'est pas de l'ADN humain... »

« Qu'est-ce que c'est? » murmura Nao entre ses dents. Ses mains se crispèrent sur la feuille qu'elle tenait et sa mâchoire claqua. Shizuru se tendit également en ne reconnaissant pas le schéma qu'elle avait sous les yeux.

« C'est... nous ne savons pas comment expliquer que ce soit possible, je... » Il soupira une nouvelle fois et ferma un instant les yeux. « C'est comme si on avait mélangé l'ADN de cette femme avec... avec celui d'un guépard. »

« C'est absurde. » Elle ne pouvait pas en entendre davantage. Elle se leva, tendue à l'extrême, et secoua la tête comme si cela pouvait lui faire oublier l'entière conversation. « C'est impossible. On ne peut pas modifier l'ADN d'un être humain. »

« Nous parvenons bien à modifier les gênes de certains êtres vivant, Shizuru-san. », répliqua posément Yukino, « La seule chose qui nous empêche de modifier les gènes humains est la barrière de l'éthique. Mais les chercheurs n'ont pas tous ce genre de scrupules. »

« Alors tu crois que quelqu'un aurait pu tenter le diable? »

« Je ne crois pas, Nao-san, j'en suis certaine. Cette pauvre fille en est la triste preuve. »

« Dans ce cas je trouverai qui c'est. »

« J'espère bien. De plus... » Yukino s'arrêta un instant pour plonger ses yeux dans ceux de Shizuru « elle ne passera sans doute pas la nuit. C'est un miracle qu'elle soit encore en vie. »

*

Ce matin là, lorsque Mai vint déposer devant elles un café pour l'une et un thé pour l'autre, Nao et Shizuru étaient toujours plongées dans leurs sombres pensées.

Depuis qu'elle s'était mariée avec Yuuichi Tate, que Shizuru considérait toujours malgré les années comme un être à l'intelligence réduite pour rester polie comme son éducation le lui demandait, Mai rayonnait. La jeune femme avait ouvert un bar-restaurant quelques années auparavant et les anciennes Himes avaient pour habitude de s'y retrouver le soir de temps à autre pour un karaoké ou pour simplement le plaisir de vivre quelques moments ensemble. Il n'était donc pas inhabituel de voir débarquer les deux agents de police très tôt le matin ou très tard le soir étant donné les horaires peu orthodoxes que leur métier leur imposait.
Cependant, les mines avachies des deux détectives ce matin-là faisaient réellement peine à voir. Même Shizuru, d'ordinaire si impassible et parfaitement maître de la moindre de ses émotions, semblait fatiguée et anxieuse.

N'y tenant plus, Mai avança d'un pas décidé vers la table où les deux femmes prenaient leur petit-déjeuner dans un silence à couper au couteau, et frappa d'un coup sec la table à l'aide d'un plateau vide.

« Debout là dedans les filles! Ça vous dirait de faire au moins semblant que tout va bien plutôt que de me faire croire que je devrais vous demander ce qui se passe? »

« Et toi, tu crois que si tu ne me fous pas la paix maintenant, je devrais commettre un meurtre? »

« Mou, Nao, tu oserais me tuer? »

« Pas toi, mais lui par contre » répliqua Nao en désignant de la tête Yuuichi qui à cet instant tentait de servir une bière à un client sans faire de mousse, « avec grand plaisir ».

La serveuse leva les yeux au ciel, pas le moins du monde intimidée, et reprit son sérieux en voyant le manque de réaction de la femme auburn qui semblait ne même pas l'avoir entendu.

« Shizuru? »

Reposant sa tasse de thé avec lenteur et délectation, cette dernière leva finalement son visage vers Mai et lui offrit un pâle sourire.

« Mai? En quoi puis-je t'être utile? »

« Qu'est-ce qui se passe, je veux dire, vraiment? »

Shizuru retint de justesse un soupir et ne se départit pas de son sourire lorsqu'elle répondit, le plus naturellement possible.

« Ara, nous avons juste un peu de mal à savoir par où commencer une toute nouvelle enquête. Désolée Mai, mais je ne peux pas t'en dire plus. »

Mai soupira, défaite. Lorsque Shizuru invoquait le travail, chacun savait que cela voulait dire que le sujet était clos. Elle laissa donc les deux collègues seules et se dirigea vers une autre table de clients.

« Shizuru? »

« Nao? »

« Comment on va faire pour l'identifier si même son ADN n'existe plus? »

« J'y réfléchis depuis tout à l'heure. »

« Et? »

« Ara, Nao la grande détective n'a pas trouvé la moindre solution à ce tout petit problème de rien du tout? »

« Hé! Fais attention à tes paroles, Fujino, j'ai des relations! »

« Oh mais je n'en doute pas. » Elle reprit une gorgée de thé en souriant narquoisement.

« Sérieusement, j'avais bien un idée mais... »

« Dis toujours, nous avons peut être la même. »

Nao lui sourit à son tour. De toute évidence, elles avaient pensé à la même chose. Et c'était prévisible, vu qu'il ne leur restait pas non plus trente-six solutions possibles.

« J'avais pensé à utiliser la presse. Lancer une recherche, un appel, quelque chose comme ça. Elle doit bien avoir des amis ou de la famille quelque part au Japon, nan? »

Shizuru hocha lentement la tête et reposa sa tasse de thé. « J'avais pensé à ça aussi. Il faudra juste être très prudentes sur les informations que l'on divulguera. Je ne veux pas avoir de journaliste dans les jambes. »

« Si tu me laisses m'en occuper, je te promets que ces charognards n'auront rien. »

La jeune femme de Kyoto eut un petit rire avant de finir son thé d'un seul trait.

« Ce thé est vraiment délicieux. »

*

4 avril 2014


Contrairement à ce à quoi l'on pouvait s'attendre, Shizuru vivait dans un appartement. Plutôt petit, il possédait un grande baie vitrée dans le salon qui donnait un bel aperçu du port qui se trouvait en contrebas. Elle avait tout de suite apprécié cette vue si particulière et était tombée amoureuse de ce si petit appartement, qu'elle avait choisi au milieu d'une liste assez conséquente de pavillons et autres villas.
Qu'aurait-elle bien pu faire d'une grande maison, de toute façon, alors qu'elle vivait seule la plupart du temps?

En début de matinée, elle avait conduit jusqu'au poste où elle avait été accueillie, comme d'habitude, par les sourires plein d'espoir de ses collègues de travail et un reniflement faussement méprisant de la part de Nao. Elle avait passé le reste du temps enfermée dans son bureau.

Lui aussi était petit. A croire que tout était petit dans sa vie. Contrairement à son irritable collègue, chacun des dossiers qu'elle avait traité se trouvait rangé à sa place dans l'étagère prévue à cet effet. Les stylos n'était pas éparpillés sur le bureau. Il n'y avait pas un enchevêtrement de tasses de café vides posée dans un coin de ce dernier et menaçant de tomber à tout moment. Elle se faisait un devoir de nettoyer et ranger les tasses de thé vides chaque soir pour éviter d'avoir la désagréable impression de vivre dans un taudis.
Shizuru Fujino était perfectionniste. Tatillon peut être. Elle avait toujours eu un goût particulier pour l'ordre et la beauté d'un rangement sans accroc. Sauf pour une seule chose.

Pendant qu'elle buvait une nouvelle tasse de thé brûlant pour se tenir éveillée, ses yeux se fixèrent sur le seul cadre photo qu'elle avait posé sur son bureau. Oui, il y avait bien une chose pour laquelle Shizuru Fujino était la plus désordonnée de toutes les femmes de la planète.

La photo avait été prise il y a presque dix ans. Natsuki. Et sa si précieuse moto qu'elle ne quittait jamais. Natsuki n'était pas perfectionniste, du moins pas à cette époque. En laissant son regard errer sur le visage alors encore enfantin de son amie, elle se demanda si elle l'était encore aujourd'hui. L'image d'une Natsuki ordonnée lui était presque impossible à soutenir sans rire. Et pourtant, qu'en savait-elle?

Elle leva les yeux pour cette fois-ci les poser sur la seule décoration de la pièce. Un naginata rouge sang était accroché au mur. Pour ses collègues, c'était un souvenir de voyage, un trophée, ou simplement un objet posé là pour la frime. Vraiment?

Shizuru Fujino était décidément la plus irrationnelle de toutes les femmes de la planète lorsqu'il s'agissait de Natsuki Kuga. Cela n'était pas un trophée, non. C'était le souvenir de toutes ses erreurs et de toutes les personnes qu'elle avait massacré. C'était le pourquoi elle se battait. Pour retrouver son honneur. Pour réparer ses fautes. Par amour elle avait tué, elle s'était battue et avait même combattu celle qu'elle disait vouloir protéger.

Toute cette folie pour ça.

Pour Shizuru, il n'y avait jamais eu d'après Festival. Son âme y était restée pour toujours, et son coeur ne lui avait jamais été rendu. Elle avait essayé, bien sûr. Tout essayé. Elle avait essayé d'en aimer une autre, d'oublier cette adolescente qui l'avait abandonné pour l'Amérique et qui ne l'avait jamais aimé. Elle avait partagé sa vie avec un nombre incalculable de femmes dans l'espoir vain que l'une d'entre parviendrait à investir ses rêves.

En vain.

Où qu'elle aille, le goût des lèvres de Natsuki Kuga, qu'elle n'avait pourtant senti que deux malheureuses fois dans sa vie, la poursuivait et la hantait. Depuis huit ans. C'était à pleurer.

Le bruit d'une porte qui claque la tira de ses pensées et elle se ménagea un visage impassible avant de quitter la photographie des yeux pour les poser sur une Nao très... essoufflée.

« Nous l'avons trouvée! »

Enfin.

Depuis trois jours, la photo de l'inconnue parcourait les journaux sans aucun résultats. Elles avaient eu le plus grand mal à museler les journalistes mais le fait d'avoir publié le portrait de la jeune fille à côté de plusieurs autres personnes officiellement « disparues » avait parfaitement masqué l'importance réelle de la situation. Elles avaient attendue patiemment pendant tout ce temps que l'identité de l'inconnue leur soit révélée en épluchant de leur côté toutes les listes de sociétés susceptibles de travailler sur le génome humain. Et cela prenait du temps.

Ne voulant cependant pas se faire de faux espoirs (Dieu seul savait comme elle en avait déjà payé les frais), elle se contenta d'un sourire neutre et d'une demande d'explication de la part de sa collègue, qui visiblement ne tenait plus en place.

« Une femme prétendant être sa mère nous a téléphoné il y a deux minutes. Elle a pris le train ce matin depuis Nagoya pour venir ici. Elle devrait arriver dans une heure ou deux. »

« Elle t'a dit le nom de cette fille? »

« Non... en fait elle avait l'air d'avoir elle-même du mal à croire ce qu'elle disait. »

« Ah. »

Le silence retomba dans la pièce pendant que Nao prenait possession de l'un des sièges sur lequel elle se laissa tomber avant de poser ses pieds sur l'autre. Shizuru sourit en la voyant faire. Malgré des débuts assez difficiles du fait de leur passé commun, elles s'entendaient à merveille.

« J'espère que ce n'est pas une folle, ne? »

« Moi aussi. »

Elle restèrent silencieuses jusqu'à l'arrivée de la dite « mère », une heure et demi plus tard. Le soleil commençait déjà à se coucher quand une femme à l'apparence assez négligée se présenta à la porte de l'office de Shizuru, qui reposa sa tasse de thé silencieusement pour venir l'accueillir avec un sourire chaleureux. Elle sentit sa rousse de collègue se lever également mais rester silencieuse et se caler contre le mur du fond. Lors des interrogatoires comme celui-ci, c'était toujours Shizuru qui parlait, car elle mettait les gens à l'aise. Par contre, lorsqu'il s'agissait d'interroger un suspect, c'était Nao qui tenait les rênes. Elle était très douée pour martyriser psychologiquement les interrogés.

« Bonsoir madame, je suis l'agent Shizuru Fujino. »

« Bonsoir, je... je suis Helena Ho. Je suis venue pour le... la... »

Visiblement mal à l'aise, la femme se tut et regarda le sol avec un intérêt marqué. Shizuru se rassit et lui fit signe de faire de même avant de reprendre la parole et de sortir du tiroir la photo de la... chose.

« Vous avez dit à ma collègue que vous étiez la mère de cette jeune fille, est-ce que vous maintenez cette affirmation? »

« Oui, je, je...c'est-à-dire que... »

« Calmez-vous madame. Est-ce que vous voulez un peu de thé pour vous détendre? »

« Je, euh oui, merci. »

Deux tasses silencieuses de thé plus tard, la femme blonde se détendit enfin et commença à parler de façon plus ordonnée.

« C'est bien ma fille. Elle s'appelle Erstin, Erstin Ho. »

Nao, toujours adossée contre le mur du fond et plus discrète que jamais, sortit de suite un calepin sur lequel elle griffonna en silence.

« Est-ce que vous pouvez nous dire quel âge elle avait? »

« Et bien, elle devait avoir dix-huit ans, je crois. »

« Vous semblez assez secouée par ce que vous dites, est-ce que vous êtes certaine de ne pas vous tromper? »

« Je... C'est juste que je ne m'attendais pas du tout à... je ne comprend pas comment c'est possible. »

Shizuru jeta un coup d'oeil à Nao qui lui fit signe de continuer, le visage grave. Nul doute que ce qui allait être dit n'allait pas leur plaire.

« Et pourquoi... qu'est-ce qui est sensé ne pas être possible, madame Ho? »

« Et bien, Erstin... » Elle se prit la tête dans les mains avant de les emmêler dans ses cheveux blonds. « Elle a été condamnée à mort et exécutée il y a trois mois. »

Shizuru eut l'impression de prendre une douche froide. Glaciale. Comme le filet de sueur qui se faufila dans son dos. Choquée, Nao laissa tomber son calepin avant de s'empresser de le récupérer comme si de rien n'était, plus pâle que jamais.

« Que, comment ça? » lâcha-t-elle avant d'être stoppée par un dangereux regard en provenance de la femme aux yeux rouges. Shizuru se massa les tempes, le visage fermé, et reprit la conversation comme si rien d'étrange ne venait d'être dit.

« Vous êtes certaine de cela? Pour quel crime a-t-elle été condamnée? »

« Elle... excusez-moi. »

« Ce n'est rien, je sais que c'est difficile. Prenez votre temps. »

Après quelques instants de silence pendant lesquels Helena Ho sembla collecter son courage et faire du tri dans ses pensées, elle reprit la parole d'une voix assurée.

« C'était une fille vraiment douce, vous savez. Personne n'a jamais compris comment ça a pu arriver. Beaucoup de gens continuent de penser que c'était... une sorte de coup de folie. »

Et Shizuru comprenait. Elle comprenait si bien que personne n'était à l'abri d'une soudaine folie meurtrière. Elle comprenait si bien. Si bien.

« Un jour, sans explication, elle a... elle a tué cinq de ses camarades de classe avec la machette mon mari utilisait lorsqu'il jardinait. Nous n'avons jamais su pourquoi. L'une des victime était sa meilleure amie. »

« Mais si c'était un coup de folie, elle aurait dû être prise en charge par un hôpital psychiatrique, pas condamnée à mort. »

« C'est vrai, mais... elle a affirmé elle-même que... qu'elle était parfaitement consciente de ses actes et que... elle n'était pas folle. »Helena Ho émit un petit rire triste avant d'ouvrir les bras en signe d'impuissance. « Alors... »

Alors Shizuru comprenait. Elle comprenait si bien.
__________

Alors, verdict? Est-ce que vous êtes curieux de savoir la suite?
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WinryElric
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MessagePosté le: Sam Mar 21, 2009 9:41 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Tu as bien fait de faire un double post *_* c'est vraiment bien ^^ j'aime bien quand les histoires sont vraiment originales comme ça ^^ ça va barder quand Shizuru va découvrir que c'est Natsuki qui fait mumuse avec l'ADN XD

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MessagePosté le: Dim Mar 22, 2009 12:15 am    Sujet du message: Répondre en citant

Perso je l'ai lu avant sur fanfiction.net et j'ai adoré.
Winry tu à tout à fait raison ça va barder, Mah je plains Natsuki XD.

Ta fic est un plaisir pour les yeux.

Continue et fais de ton mieux.

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MessagePosté le: Dim Mar 22, 2009 11:48 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci les gens! Je poste la suite, je viens de la finir. Et oui, ma fac est bloquée, donc j'ai du temps à mettre à profit! Les updates devraient être rapides du coup, hé hé...

Bonne lecture!

LA CHIMÈRE

Chapitre 2 : Le Rendez-vous


6 Avril 2014

Elle regardait son dernier né avec le même dégoût que tous ceux qui l'avaient précédé. Dégoût pour cette chose mi-humaine mi-animale qui gisait dans cette colonne de verre. Dégoût pour elle-même, parce que ce qu'elle était responsable de la création de toutes ces abominations.

Elles n'avaient pas perdu de temps pour renouveler l'expérience après la fuite du cobaye, cinq jours plus tôt. Rena avait demandé un nouveau cobaye, qui leur avait été donné quelques heures après. A croire que les condamnés à mort étaient volontairement maintenus en vie pour leur servir d'objet d'étude. Mais peu importe. Elles avaient recommencé le processus qu'elles connaissaient à présent par coeur et le développement du projet avait repris son cours normal.

Ou presque.

Natsuki avait vu dans le journal deux jours plus tôt que la photo d'Erstin Ho avait été publiée. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose: cette fille avait réussi à retourner en ville. On l'avait retrouvé. Et à présent la police ouvrait une enquête. Et ce n'était pas bon du tout. Pour personne.

Elle savait qu'elle était protégée car la direction s'était assurée de brouiller au maximum les pistes pour assurer sa sécurité. Elle savait qu'elle ne serait probablement pas inquiétée et que le jour où la police trouvera la vérité ne viendra sans doute pas avant très longtemps. Quelques années peut être, mais d'ici là, elle aura eu tout le temps de se refaire une vie et une identité.

Mais malgré tout, ces nouvelles incitaient à la plus extrême prudence. Rena et Natsuki le savaient toutes les deux. C'est pour cela que finir le projet le plus rapidement possible était devenu un impératif. On ne savait pas combien de temps il restait pour faire aboutir cette monstrueuse chose, alors mieux valait faire comme si on n'en avait pas assez.

Mais la précipitation n'était pas non plus une solution. Elle était la source de nombreux oublis, pouvait faire rater une expérience que l'on avait mis des années à mettre au point. Non, il fallait garder son calme et son sang-froid, poursuivre dans le calme et de vérifier continuellement n'avoir rien oublier, même si cela signifiait perdre du temps.

Natsuki Kuga était perfectionniste. Elle aimait le travail impeccable, les expériences abouties et les certitudes solides et vérifiées.

Avec un sourire triste, elle repensa à la seule personne capable d'être aussi tatillonne qu'elle lorsqu'il s'agissait de travail.

Shizuru

Elle voulait pleurer maintenant.

Natsuki n'était pas stupide. Fuir aux Etats-Unis pour faire ses études avait été la seule solution qu'elle avait trouvé pour ne pas avoir à continuellement affronter la femme qu'elle aimait. Et à qui elle ne parvenait pas à pardonner, malgré tous ses efforts, le massacre de ses ennemis. Elle était encore trop éprise de justice et de morale à cette époque. Tuer par amour ne lui semblait pas moins grave que tuer par plaisir. Alors le pardon n'était jamais venu. Elle avait donc décidé de partir pour penser à son avenir avec la tête froide. Et ironiquement, c'était vers la génétique qu'elle s'était tournée.

Comme sa mère. Comme si les erreurs de l'une n'avait pas suffit pour arrêter l'autre de s'engager sur la même voie.

A présent, debout devant la plus ignoble des expériences dont elle était officiellement la responsable, elle se rendait compte qu'elle avait répété la même erreur que Saeko Kuga. Répété et amplifié. Elle avait dépassé les limites de l'horreur et même la création d'Alyssa Searrs donnait l'image d'une expérience de bébé comparé à ça.

Elle détourna le regard et tenta de chasser de ses pensées son passé et ses regrets, mais rien n'y fit. Nul doute qu'à présent ses crimes dépassaient largement l'ampleur de ceux qu'elle avait pendant si longtemps reproché à l'amour de sa vie. Shizuru avait tué, oui, pour la protéger, par folie, par amour. Elle, elle avait tué, mais elle avait transformé, elle avait changé la nature, manipulé des êtres humains comme des objets. Et pour quoi le faisait-elle?

Ses pensées dérivèrent vers Rena. Sa soeur, son amies, sa confidente de toujours. Ensemble elles avaient étudié, grandi, fait les mêmes erreurs, s'étaient retrouvées prisonnières de la même situation. Elle aimerait pouvoir se convaincre qu'elle se battait pour elle, mais la vérité était qu'elle ne se battait pour rien. Elle n'avait pas eu le choix. C'était comme cela que cela devait se passer.

Elle soupira et se tourna vers l'objet de ses pensées, qui était en train de prendre des notes en regardant les données inscrites sur l'un des appareils de contrôle. Cette dernière se tourna vers elle et lui fit un pâle sourire.

« Tout se passe comme prévu? »

« Oui, les analyses sont excellentes. Je crois que nous touchons au but, Natsuki. J'y crois vraiment. » Elle regarda la forme gisante dans la colonne et continua. « Il réagit très bien. Mieux vaut être prudentes si on ne veut pas qu'il se réveille. »

« Anesthésie. Je ne veux prendre aucun risque. Notre espérance de vie est déjà suffisamment malmenée comme ça. » Rena hocha la tête. « Comme tu voudras. »

Elle retira sa blouse et la remplaça par un manteau noir avant de se diriger vers l'ascenseur qui menait vers les étages supérieurs. Elle allait quitter la pièce quand une main se posa doucement sur son avant-bras.

« Repose-toi un peu, Natsuki, si tu es trop épuisée, tu ne seras pas aussi vigilante que d'habitude. »

« Je sais. Je rentre chez moi. Ne reste pas trop tard, il est déjà 19 heures. »

« Ne t'inquiète pas. »

Natsuki cligna des paupières lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur un hall d'entrée particulièrement bien éclairé. Elle détestait passer dans ce hall. Il y avait trop de gardes et de caméras de surveillance. Elle n'aimait pas son travail, mais au moins et n'était pas filmée lorsqu'elle était dans son bureau.

Elle traversa le hall d'un pas pressé, salua les gardes, qui rougirent mais se gardèrent bien de lui demander d'aller boire un verre avec eux. Le personnel tout entier savait que Natsuki Kuga était une princesse inaccessible, bien trop préoccupée par ses propres démons pour s'occuper d'autre chose. Elle était belle, pourtant. Magnifique à vrai dire. Mais triste, si triste. C'était l'une de ces rares personnes qui à elles seules donnaient l'impression d'être auréolées de toute la tragédie qu'un destin pouvait contenir.

Elle se dirigea vers sa voiture et soupira misérablement une fois à l'intérieur.

Elle n'aimait pas les voitures. Mais par la force des choses, elle avait dû se résigner à laisser partir son amour pour les motos. Elle se voyait mal transporter la masse de matériel qui se trouvait dans le coffre de sa voiture sur son dos.

Alors qu'elle roulait vers son appartement, la sonnerie de son téléphone retentit dans l'habitacle. Elle jura silencieusement et sa main commença à farfouiller dans son sac à main à l'aveuglette à la recherche de l'objet en question. Faisant bien attention à ne pas oublier qu'elle était sur la route, elle l'empoigna fermement et décrocha avec un sourire soulagé lorsque la sonnerie cessa de lui percer les tympans.

« Kuga »

« Natsuki? C'est Nao. »

Le sourire de la généticienne s'élargit. Nao était la seule personne avec qui elle avait gardé contact lors de son exil aux Etats-Unis. Lorsqu'elle était revenue, dans le plus grand secret, au Japon pour commencer un projet qui deviendrait par la suite sa prison, la détective avait été la seule à réussir à la retrouver. Elle l'avait attendu à l'aéroport.

« Oh, Nao, qu'est-ce que je peux faire pour toi? »

« Ouch, t'as l'air heureuse de m'entendre, dis donc! »

« À d'autre, Yuuki, ne me fais pas croire que tu te préoccupes de savoir comment je vais. »

« Tu n'as vraiment pas de coeur, Kuga. Moi qui me faisais une joie de t'inviter à dîner, je me demande si j'en ai encore envie, là. C'est quoi ce bruit de fond? Ne me dis pas que tu conduis! »

« Ma parole, mais c'est que tu te préoccupes vraiment! Je vais pleurer de gratitude, Yuuki, j'espère qu'il y a des mouchoirs chez toi. »

« Je vais te les faire manger, tes mouchoirs, Kuga. »

Elles s'adoraient.

Après un bref silence, Natsuki pris un virage assez serré et entendit son interlocutrice soupirer de l'autre côté de la ligne. Elle fronça les sourcils un instant avant de se rappeler sa question d'origine.

« Sans rire, Nao, pourquoi est-ce que tu m'appelles? » Elle entendit un autre soupir. Finalement, la détective sembla rassembler son courage. « Je viens d'être mise sur une affaire compliquée et... j'aimerais que tu viennes chez moi pour, mettons, discuter un peu, tu vois? »

Une boule d'inquiètude se forma dans son estomac et elle ralentit l'allure de son véhicule de peur d'en perdre le contrôle après avoir donné un bref coup d'accélération sous le coup de la surprise.

« Une... affaire? Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse pour t'aider? »

« Disons que ça pourrait t'intéresser. S'il te plait, je vais quand même pas te supplier! »

Un lourd silence s'installa entre les deux interlocutrices.

« Tu sais que je déteste ça. »

« Je sais. »

« Et que j'ai d'autres choses à faire, comme dormir par exemple. »

« Je sais, écoute- »

« Je viens. »

« ... Merci. »

*

« Je ne crois pas que les circonstances de sa condamnation soient importantes », commença Shizuru.

« Moi non plus, mais ça fait peur. »

Elles étaient toutes les deux réunies dans le bureau de la brune pour faire le point sur l'enquête, ou du moins pour essayer de trouver un point de départ. Ce n'était pas une chose particulièrement aisée avec le peu de matière qu'elles avaient. Même Nao avait du mal à utiliser le réseau d'information qu'elle s'était créé et qui d'habitude donnait toujours d'excellents résultats. Ce qu'elles cherchaient, quoi que ce soit, était très bien protégé. L'enquête s'annonçait difficile. Et longue.

« Bon », repris la rousse en se massant les tempes, affalée sur son fauteuil en fumant l'une de ses sempiternelles cigarettes, « nous savons qu'elle a été condamnée à mort et exécutée il y a trois mois, que par je-ne-sais quel miracle s'est retrouvée dans un laboratoire où on a croisé par je-ne-sais quel moyen son ADN avec celui d'un animal. Rien que ça, déjà, j'en ai assez pour déclarer forfait. »

Shizuru lui offrit un petit sourire taquin. « Tu oublis de préciser qu'elle était plutôt vivante quand on l'a récupéré. Je sais que nous ne sommes pas très bien placées pour parler de ça, mais je ne crois pas à la résurrection. »

« Et moi donc! » Nao expira un petit nuage de fumée et regarda le plafond. « Ça veut dire que quelqu'un au gouvernement fait sortir les prisonniers, falsifie les actes de décès et les donnent en pâture à des scientifiques, mettons, peu recommandables. » Elle grimaça. « Ça craint. »

Son interlocutrice soupira mais continua de sourire. « Je croyais que tu aimais les affaires tordues et difficiles, Nao-san? »

Cette dernière grimaça, tant pour la phrase que pour le titre attribué avec amusement. « C'est vrai mais là... ça fait un peu beaucoup quand même. Si même le gouvernement est contre nous je vois pas ce qu'on peut faire. »

« Il n'y a probablement qu'une seule personne du gouvernement qui est impliquée, sinon nous n'aurions pas été mises sur cette affaire. Ça nous laisse une chance. »

Nao ne répondit pas mais lui lança un dossier qu'elle attrapa avec une dextérité hors du commun -après tout les Himes restaient des Himes même après la perte de leurs élèments- et entreprit de feuilleter.

« Qu'est-ce que c'est? »

« J'ai trié la liste des laboratoires qui pouvaient avoir ce genre de... plan bidon, et j'en ai retenu trois. Je pense pas que ça va te plaire. »

Effectivement, le dossier contenait les informations reliées à trois grandes sociétés que Shizuru, malheureusement, ne connaissait que trop bien.

« Tu es sûre qu'il n'y a que ceux-là? »

« J'ai vérifié plusieurs fois. Les autres n'ont pas assez de moyens, ou alors agissent dans des domaines trop différents ou éloignés de la génétique. Désolée. »

« Tu devrais plutôt être fière. C'était un travail difficile. »

Elle étala les trois dossiers devant elle et les contempla quelques instants avec une légère grimace. Le premier contenait des informations sur la Première Division, le deuxième concernait la fondation Searrs et le dernier présentait une société assez récente du nom de Schwartz. Nao lui exposa ses choix au fur et à mesure qu'elle regardait les dossiers.

« La Première Division est plutôt connue pour ses essais passés en matière de génétique et... disons que malgré ta participation pour la mettre hors d'état de nuire, elle n'a pas disparu puisque nous continuons de recevoir des rapports sur ses activités. Nous ne savons rien sur ses recherches donc je pense qu'on devrait s'y intéresser. »

« La fondation Searrs a créé Alyssa de toute pièce et est capable de construire des androïdes de combat -regarde Miyu-, alors... Je sais que depuis quelques années elle fait en sorte de redorer son blason et que ses expériences aujourd'hui ne portent plus que sur la construction d'androïdes domestiques destinés à aider les personnes handicapées au âgées, mais le passé étant ce qu'il est... »

« Schwartz... Officiellement, c'est une société qui travaille essentiellement sur la bactériologie. Elle produit et teste des vaccins avant de les mettre sur le marché. Je ne sais pas si tu en as déjà entendu parler. » Après un hochement de tête négatif, elle reprit. « Elle est assez discrète, peut être même un peu trop discrète, si tu vois ce que je veux dire. Impossible d'obtenir la liste de son personnel ou ses déclarations financières. On ne sait pas comment l'argent rentre dans ses caisses ni à quoi il sert. C'est assez gênant. Il peut se passer n'importe quoi là-dedans. Tout ce qu'on sait, c'est qu'elle utilise des animaux pour ses expériences, mais personne ne saurait dire de quelles expériences il s'agit. » Elle s'arrêta un instant pour reprendre son souffle et offrit un sourire à Shizuru. « J'avoue que j'ai une petite préférence pour Schwartz. »

« Dans ce cas, on va commencer par là, non? »

« Justement, c'est de cela dont je voulais te parler. » Shizuru haussa un sourcil à cette phrase mais resta silencieuse. « J'ai un contact au sein de la fondation Searrs. »

Shizuru soupira. « Et donc tu veux commencer par la fondation Searrs. » Elle se servit une tasse de thé avant de reprendre sombrement. « Je sais que son passé est trouble, mais j'aimerais lui laisser une chance, pas toi? »

« Bien sûr que si! Ce n'est pas ce que je voulais dire. Disons que si j'arrive à convaincre ce... contact de nous aider, l'enquête risque d'être plus facile. »

« Dans ce cas pourquoi ne vas-tu pas le rencontrer? »

« Parce que je voudrais que tu viennes avec moi. Cette enquête est aussi la tienne, non? »

Elle leva les yeux au ciel et bu une gorgée de thé avant de répondre paisiblement avec cet accent si particulier. « Ara, si même Nao ne peut plus se passer de moi, je n'ai pas le droit de refuser, ne? ». Seul un grognement lui répondit.

*

Le soir venu, elles quittèrent leur office et conduisirent jusque chez Nao en silence. La rouquine était nerveuse. Elle avait appelé Natsuki juste avant de quitter son poste sans en informer Shizuru, et à présent se demandait si elle avait bien fait de provoquer le destin.
Mais la vérité, c'était qu'elle en avait assez de voir Shizuru se morfondre tous les jours devant la photographie dépassée d'une Natsuki qui n'existait plus depuis longtemps, et d'être le constant témoin de la nostalgie qu'elle voyait dans les yeux vert émeraude de sa meilleure amie. Natsuki était toujours triste, et Shizuru toujours hantée par son passé.
Alors quand elle avait décidé d'appeler Natsuki pour lui demander un peu d'aide sur l'affaire qu'elle venait de commencer, en tout bien tout honneur, elle avait aussi décidé que Shizuru devait venir, histoire de faire un peu bouger les choses.

Et non, Nao ne supportait pas qu'on induise qu'elle se comportait comme une entremetteuse de pacotille. Ces deux là en avaient besoin. Il fallait qu'elles se parlent. Au pire, une mémorable dispute et c'était tout. Et au mieux... Nao sourit bêtement. Au mieux, elles pourraient tenter d'effacer ces huit malheureuses années et commencer à vive enfin.

Après tout, elles étaient toutes les deux des adultes. Du moins Nao espérait qu'elles se comporteraient comme tels.

Le plus important était qu'elles réussissent à dialoguer suffisamment pour pouvoir faire avancer l'enquête. C'était ça, le plus important. L'enquête. La confrontation entre les deux femmes étaient de toute façon inéluctable. Et Natsuki savait toujours beaucoup de choses lorsqu'il s'agissait de la Première Division. Avec un peu de chance, elle pourrait vraiment leur donner des informations intéressantes.

Voilà. C'était pour l'enquête que Nao avait fait tout cela. Juste l'enquête. Elle n'était certainement pas une entremetteuse. Pas du tout.

Elles pénétrèrent dans l'appartement de Nao en silence et après quelques minutes pendant lesquelles cette dernière offrit à Shizuru le dix-huitième thé de la journée, on frappa à la porte.

Natsuki, de l'autre côté de la porte, dans le couloir aux murs bleu pâle, se demandait anxieusement de quoi Nao voulait lui parler. Elle n'était pas stupide. Il y avait de fortes chances que son amie travaille sur le cas de Erstin Ho. Et donc qu'elle soit le suspect numéro un, même si cela personne sauf elle ne le savait. Elle se mura derrière ses défenses mentales impeccablement bien placées et s'apprêta à mentir. Il le fallait.

La porte s'ouvrit et elle découvrit la silhouette élancée de Nao Yuuki, qui lui offrit un petit sourire d'excuse. D'excuse? Natsuki fronça les sourcils. Nao ne s'excusait jamais.

« Tu es venue. »

« Je te l'avais dit, non? »

Nao ne répondit pas mais s'effaça pour la laisser entrer. Elle enleva son manteau et l'accrocha au porte-manteau prévu à cet effet. Ses yeux voyagèrent dans le minuscule hall d'entrée sans rien trouver qui puisse lui paraître suspect. Elle allait entrer dans le salon lorsqu'elle sentit Nao lui souffler à l'oreille. « Je suis désolée, mais crois-moi, je l'ai fait pour toi. »

Sans un mot de plus, elle la poussa presque de force dans le salon et resta en arrière. Natsuki ne comprit pas tout de suite ce qui était en train de se passer. Elle crut d'abord que des policiers l'attendaient pour l'arrêter, puis se rendit compte qu'une seule personne était présente dans le salon. Et elle reconnut ces incomparables yeux rouges qui à cet instant reflétaient sa propre stupeur.

Quelle était la réaction appropriée lorsque l'on se retrouvait devant l'amour de sa vie après huit ans d'absence? Elles se posèrent toutes les deux la même question.

Natsuki eut l'impression que son corps entier était devenu une fournaise. Mais son sang s'était gelé dans ses veines. Elle avait chaud et elle avait froid. Même après tant d'années. Cette femme lui faisait toujours autant d'effet. Sa respiration devint erratique, ses mains devinrent moites, de la sueur coula dans son dos, son corps entier se raidit et elle crut un moment que ses genoux allaient la lâcher. Qu'elle allait tomber. Elle ferma les yeux, comme pour se protéger de la vision qui lui était offerte, et prononça le prénom défendu dans un murmure rauque.

« Shizuru »

C'était trop. Trop. Elle allait pleurer maintenant, elle en était sûre. Si elle ouvrait les yeux à cet instant, elle ne pourrait pas retenir ses larmes.

Que devait-elle faire? Sortir de cette pièce avant même d'engager la conversation? Se précipiter dans ces bras qui lui avaient tant manqué et murmurer à l'oreille de cette déesse d'éternelles promesses et des demandes d'absolution? Faire comme si de rien n'était?

Elle rouvrit prudemment les yeux pour s'assurer qu'elle n'était pas au beau milieu d'un rêve. Leurs yeux s'accrochèrent une nouvelle fois et Natsuki se sourit à elle-même en voyant le miroir de ses propres émotions dans ceux de son aînée.

Toutes ces années perdues.

Elles avaient tant changées. Chacune redécouvrait avec bonheur et agonie la beauté de l'autre.

Plus rien d'autre n'existait.
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MessagePosté le: Lun Mar 23, 2009 12:17 am    Sujet du message: Répondre en citant

Ouais continue, je veux surtout pas que tu t'arrêtes là, ça serait une catastrophe.
Trop génial mais qu'es ce qui va se passer ?
Continue, je te remercie du fond du cœur.

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MessagePosté le: Lun Mar 23, 2009 8:54 am    Sujet du message: Répondre en citant

Wah Nao je t'aime *___* j'ai pas arrêté d'imaginer que cette scène allait se passer XD c'est super *_* j'ai hâte de lire la suite \o/

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MessagePosté le: Mer Mar 25, 2009 6:04 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Tadam!

Hum... pas beaucoup d'action mais beaucoup de dialogues dans ce chapitre, j'espère que vous n'allez pas vous ennuyer... enfin pas trop ^^!

LA CHIMÈRE

Chapitre 3 : Le Projet Sunrise


Une éternité passa sans qu'aucune d'entre elles ne fasse le moindre geste ni ne parle. Le temps s'était arrêté. Shizuru ne parvenait pas à détacher ses yeux de la magnifique femme qui se tenait devant elle. Cette longue chevelure d'ében qui cascadait sur ses épaules avec souplesse. Ces yeux vert hypnotiques. Ces courbes. Mon Dieu, ces courbes. Par son seul regard elle savait qu'elle la déshabillait et elle avait du mal à contenir l'éruption du désir fervent qui l'avait étreint au moment où elle avait posé ses yeux sur elle.

« Il y avait longtemps, Natsuki. » murmura-t-elle avec un sourire. Elle pencha la tête sur le côté pour mieux savourer l'instant qui lui était offert. Natsuki sembla sortir de sa contemplation à l'entente de ces mots et son visage s'adoucit. « Trop longtemps, sans doute, Shizuru. »

Elle se dévorèrent silencieusement du regard pendant un instant, puis se sourirent, incertains encore de la conduite à suivre. Dans la tête de Shizuru, c'était la tempête. Qu'est-ce que Natsuki était devenue? Comment vivait-elle? Avec qui? Quel était son travail? Est-ce qu'elle travaillait vraiment pour la fondation Searrs? Pensait-elle toujours à elle? Ou l'avait-elle complètement oubliée? Un raclement de gorge les fit se détourner l'une de l'autre comme deux enfants pris en faute, et leurs yeux se posèrent sur Nao, qui jusque là s'était effacée pour laisser aux deux femmes un moment pour récupérer.

« Je ne voudrais pas casser l'ambiance, hein, mais j'aimerais juste vous rappeler que je suis toujours là. » Natsuki la regarda hébétée un instant et finalement, à la plus grande surprise des deux détectives, explosa de rire. Les yeux pétillants, elle enlaça amicalement Nao avant de lui donner une tape sur l'épaule en signe de remerciement.

« Nao, merci. »

« Ouais, ouais... N'oublie pas pourquoi tu es là. La présence de Shizuru ici n'est pas juste pour faire joli. »

Le sourire de Natsuki se fana quelque peu. Voyant que le moment venait de se terminer, Shizuru s'assit le plus gracieusement possible pour ne pas afficher plus que nécessaire le bouleversement qu'elle venait de subir, et bu une gorgée de thé pour se donner une contenance. En la voyant faire, Natsuki sourit avec nostalgie et vint s'asseoir sur un fauteuil à l'opposé, histoire d'être certaine de ne pas laisser ses instincts prendre le pas sur sa raison.

Nao les regardaient agir en souriant mais ne dit rien. Elle aurait bien l'occasion de leur faire la remarque un autre jour.

« Bon. » C'était un bon début. Nao soupira et s'assit aux côtés de Shizuru avant de commencer.

« Je suppose que tu n'as aucune idée de pourquoi j'ai sollicité ton aide. »

Natsuki se ménagea un visage le plus impassible possible et se souvint de sa résolution. Mentir. Il le fallait. Le jeu allait être serré, surtout si Shizuru entrait dans l'équation.

« J'ai en partie deviné. Vous êtes toutes les deux sur une enquête et vous avez besoin de moi. Je suppose que ça a à voir avec la Première Division, sinon je ne crois pas vous être d'une quelconque utilité. »

« Tu as en partie raison, mais ce n'est pas tout. »

« Oh. Dis toujours. » Natsuki ne tenta pas de masquer son anxiété. Cela aurait paru plus suspect encore que d'afficher un visage neutre. Elle laissa ses yeux voyager de l'une à l'autre de ses interlocutrices en essayant de ne pas rester trop longtemps focalisée sur la brune et attendit.

« Et bien, tu travailles pour la fondation Searrs, non? »

« Oui? »

« En quoi consiste exactement ton travail? »

Natsuki renvoya à la rousse un regard éberlué. « Est-ce que tu es en train de m'interroger, Nao? » Cette dernière lui renvoya le même regard avant de se reprendre. « Non! Je veux dire, non, absolument pas. Argh, désolée, c'est une déformation professionnelle. Je... on va reprendre depuis le début. »

A cet instant, Shizuru prit la parole et expliqua à la jeune femme ce qu'elle faisait si bien semblant de ne pas connaître déjà. « Nous enquêtons sur une affaire de manipulation génétique. Et la fondation Searrs fait partie des potentiels suspects à cause de son passé plutôt... trouble en la matière. »

« Je connais le passé des Searrs », grimaça Natsuki, « mais je peux vous assurer que depuis le Festival, aucune recherche de ce genre n'est menée. La présidente a parfaitement conscience d'être encore dans le collimateur de la police et elle fait vraiment en sorte d'être irréprochable. » Elle secoua un peu la tête. « Je ne suis chercheuse que depuis quelques mois, donc il est possible que je ne sois pas au courant de tous les projets en cours, mais une opération de cette ampleur me serait forcément connue. Enfin, je pense, je... »

« C'est bon, Natsuki », coupa Nao, en lui tapotant le bras « je voulais juste avoir ton avis sur la question. La fondation est très loin d'être notre priorité, surtout que je sais que tu ne travaillerais jamais pour elle si tu avais un doute sur la nature de ses recherches, c'est juste que... mettons que je voulais être certaine. »

La généticienne secoua la tête en souriant tristement « C'est rien, je comprends que tu ais besoin de certitudes. J'essayerais de voir si je peux fouiller un peu, au cas où, mais je ne promets rien. D'accord? »

« Yep! Je savais que tu répondrais ça! Merci! » Nao lui fit un sourire rayonnant avant de redevenir sérieuse. « L'autre suspect- »

« -est la Première Division », finit Natsuki avec un sourire entendu, « j'avais deviné. »

A partir de cet instant, c'était comme si d'un commun accord les deux détectives avaient échangé leur rôles, et Natsuki admira la facilité avec laquelle elles équilibraient l'interrogatoire et se comprenaient. Shizuru devint en une seconde celle qui menait la danse et Nao s'effaça en se tassant sur son siège.

« Est-ce que tu peux nous apprendre quelque chose sur ça? »

« Je suis toujours en contact avec Yamada, mais je ne m'intéresse plus beaucoup à la Première Division. Je sais que John Smith a rejoint l'organisation après s'être fait licencié de la fondation Searrs. Mais c'est un éternel indépendant, il s'est retiré il y a peu. Si j'étais vous c'est vers lui que je me tournerais. »

« Où est-ce qu'on pourrait le trouver? »

« C'est impossible », répondit Natsuki en jouant avec une mèche de cheveux, ce que Shizuru avait bien du mal à supporter en restant assise à regarder, « c'est lui qui vous trouvera. Il suffit de lui faire comprendre que vous avez besoin de lui. Et de vous préparer à la contre-partie. »

« Contre-partie? Argent? »

« Non, Smith n'a pas besoin d'argent. Ce qui l'intéresse, ce sont des informations. Si vous lui demandez une information importante, vous devez lui en donner une équivalente. »

« Le savoir, c'est le pouvoir, ne? »

« On peut dire ça. »

« Et qu'est ce qui nous dit qu'il ne va pas nous dire des conneries? » Natsuki explosa à nouveau de rire. « Il n'est pas ce genre d'homme, Nao, crois-moi. Il ne prendrait jamais le risque de perdre un contact mécontent, c'est trop dangereux pour lui. » Elle sourit, et ajouta, le visage confiant « Soyez tranquilles de ce côté là. Ses informations sont fiables. »

Et ça, Natsuki le savait.

*

11 Avril 2014


John Smith attendait ses invitées à la table d'un bar, avec impatience et excitation. Il était arrivé très tôt pour être sûr d'avoir la table la plus reculée du bar, dans un recoin sombre et peu animé. En homme d'affaire prévoyant, il aimait parler tranquillement sans avoir à se préoccuper d'oreille indiscrètes indésirables. Il jeta un oeil à sa montre en argent qui indiquait 20 heures 36, et sourit finement. Apparemment, ses invitées n'étaient pas aussi ponctuelles que ce qu'on était en droit d'attendre d'agents représentant l'ordre public.

Alors que cette pensée amusante lui traversait l'esprit, il repéra, à travers ses petites lunettes rondes, les deux femmes qu'il attendait depuis le début de la soirée. Il avala son café d'un coup et attendit qu'elles le rejoignent lorsqu'elles l'auraient remarqué. Il en profita pour les détailler un peu.

Les deux visages lui étaient connus. Personne ne pouvait oublier après les avoir vu les visages des Himes, que ce soit un ou huit ans plus tard, comme c'était le cas ici. La première était une femme dont les cheveux étaient plus rouges que le sang. Élancée et environnée d'un halo de fumée qui semblait lui coller à la peau. Une fumeuse sans aucun doute. Ses yeux verts brillaient d'intelligence et de ruse, et lorsqu'elle s'adressa au barman ce fut d'une voix assurée mais fine. Un charmant équilibre. Nao Yuuki. Séductrice. Omnisciente. Comme une araignée.

La seconde était plus grande, plus... intense. Ses cheveux, longs et aériens, étaient à mi-chemin entre le brun et le châtain. Ses yeux d'un rouge riche et puissant. Son visage était parfait. Trop parfait. C'était une menteuse, aucun doute là dessus. Une menteuse et un détecteur de mensonges. Shizuru Fujino. Imprévisible. Meurtrière. Comme un serpent.

Le barman répondit à la question des deux femmes et les deux visages se tournèrent vers lui. La partie venait de commencer.

Il les invita silencieusement à s'asseoir, plus souriant que jamais, et remit ses lunettes en place tranquillement.

« Bonsoir, mesdames, c'est toujours charmant de se retrouver après tant d'années, n'est-ce pas? »

« Sans doute, Smith, » rétorqua Nao avec le même sourire que lui, « mais je ne pense pas que nous ayons la tête à discuter souvenirs et Festival ce soir. »

« Oh? C'est dommage, j'aime particulièrement l'histoire du serpent vengeur, pas vous? » sourit-il avec une innocence feinte. « C'était du grand art. »

Shizuru se tendit imperceptiblement mais ne dit rien. Ses yeux suffisaient à lancer à l'homme des menaces de mort qu'il ignora.

« Bien bien », reprit-il, « nous n'allons pas nous chicaner sur des souvenirs sans importance, je vous offre un café? Ou plutôt un thé, je me trompe? »

« Un café et un thé, merci. »

« Mais de rien, Yuuki-san, c'est un plaisir... pour l'instant. »

Le silence s'installa entre les trois jusqu'à ce que le serveur revienne pour déposer devant les deux femmes leur boisson favorite. John Smith s'amusait beaucoup, mais puisque toute bonne chose a une fin, il se décida à lancer la négociation.

« Je me suis renseigné sur votre enquête et je pense pouvoir vous aider, mais toute information a un prix. Je suppose que vous savez comment je fonctionne, sinon nous ne serions pas ici. »

« Et tu ne nous diras rien tant qu'on ne t'aura pas payé, » continua Nao, « quel est le prix? »

John Smith pencha la tête sur le côté et son sourire s'élargit. « Racontez-moi le Festival. »

Cette fois ce fut un sifflement dangereux qui lui répondit. « Qu'est-ce que vous voulez entendre que vous ne savez pas déjà? »

« Mais tout, Fujino-san, tout. J'ai été impliqué dans la guerre des Himes, et je connais beaucoup de choses, c'est vrai, mais aucune des princesses ne m'a jamais offert un témoignage. Je suis tristement ignorant lorsqu'il s'agit des détails. »

« Est-ce que c'est si important? » s'irrita Nao, « Il n'y a plus aucune utilité à remuer le passé, Smith. »

« Ah mais Yuuki-san, qui a dit que les informations devaient toujours être utiles? »

« Qu'est-ce que tu veux vraiment? » grogna-t-elle, « Ça pue l'embrouille. »

« Je veux savoir ce que vous avez ressenti, à chaque instant, chacune de vos actions et leurs motivations. Je veux tout savoir. » Il s'appuya sur le dossier de son siège et passa une main dans ses cheveux. « J'ai conscience de demander beaucoup, mais je n'utiliserai pas ces informations contre vous. Je le demande juste parce que j'ai envie de savoir, pas pour les revendre ou les exploiter. »

« Je refuse. » La femme auburn croisa les bras et détourna le regard. La simple idée de raconter son histoire à un homme comme Smith lui donnait envie de vomir. « Je ne peux pas faire ça. »

« Pensez-y », Smith était à présent mortellement sérieux, « je peux vous aider et je ne vous demande en échange qu'un témoignage que je serai de toute façon obligé de garder pour moi. »

« J'accepte si tu t'engages à nous livrer les infos que l'on demande avant nous. »

« Si Fujino-san accepte, alors je suis prêt à faire une concession. »

En regardant le visage impassible mais les yeux menaçants et furibonds de l'ancienne gardienne de Kiyohime, il comprit qu'il avait gagné la partie. Nul doute qu'elle allait accepter. Parce que sa collègue l'avait fait et parce qu'elle savait que si elle ne le faisait pas elle perdait de précieuses informations. Il lui fallait juste pousser un peu plus sa chance.

« Posez-vous juste cette question, Fujino-san. Les vies de dizaines d'êtres humains valent-elles moins que des souvenirs, aussi douloureux soient-ils? »

Elle ferma les yeux et soupira. Il jubilait intérieurement. « J'accepte. »

Échec et mat.

« Dans ce cas c'est à moi de parler en premier. N'hésitez pas à poser des questions, je suis ici pour ça. » Il s'installa confortablement contre son siège et commença. « Si vous voulez continuer à enquête sur cette affaire, il faut que vous soyez prêtes à laisser vos supérieurs dans l'ignorance jusqu'à son aboutissement. Les hautes sphères de la police ne sont pas claires. »

Nao n'en parut pas surprise. « Le gouvernement? »

« Non, le gouvernement est propre, et c'est ça qui est surprenant. On dirait que les recherches sont financées par des partenaires privés. Par contre, le transfert des détenus vers je-ne-sais-où se fait forcément par la police elle-même. Méfiez-vous en. »

« Ça craint. »

« Vous avez dit « des détenus », est-ce que vous savez combien? »

« Une petite vingtaine, peut être plus. C'est très incertain. Mais ce n'est pas tout. Je crois savoir le nom du projet qui vous intéresse. » Il sortit de sous la table une petite mallette qu'il ouvrit pour en sortir quelques documents épars. « La Première Division avait dans ses archives un projet intitulé Sunrise, et qui consiste en la création d'une sorte de sur-homme. Une chimère en quelque sorte. Il est question là-dedans de croisement d'ADN humain et animal. C'est très vague. Je n'ai rien réussi à pécher de plus. »

« Projet Sunrise? La Première Division est le responsable de toute cette merde? » John Smith sourit en secouant la tête d'un air entendu. « Et comment ferait-elle? Elle a quasiment disparu, ce genre d'expérimentation est hors de portée à présent. Je pense qu'elle l'a vendu à une autre organisation, mais quant à savoir laquelle... »

Il se tut un instant avant de reprendre. « Un contact m'a donné deux noms. Je pense que c'est par là que vous devez chercher. »

« Un contact, hein? »

« Il tient à rester anonyme, il craint pour sa vie. Vous devez trouver deux scientifiques nommées Nina Wang et Irina Woods. Je n'en sais pas plus. Apparemment elles en sauraient beaucoup sur le projet Sunrise. »

Un long silence suivit l'exposé de John Smith avant que celui-ci ne se redresse en se frottant les mains. « Maintenant, c'est à votre tour. »

*

Le lendemain matin, Shizuru entra dans son bureau en ayant l'impression d'évoluer dans un bocal. Sa tête tournait, les sons lui provenaient de façon très effacée, elle avait du mal à suivre les mouvements de ses collègues des yeux. Les cinq tasses de thé matinales n'y avaient rien changé.

Abattue, elle se laissa tomber sur son siège sans s'occuper de la grâce ou de la légèreté et posa sa tête sur ses mains jointes en fermant les yeux.

Depuis sa rencontre avec Natsuki six jours plus tôt le sommeil la fuyait. A chaque fois qu'elle fermait les yeux, l'image de la jeune femme l'assaillait pour ne plus la quitter, et lorsqu'elle parvenait à dormir, c'était pour rêver de ses lèvres, de ses courbes et du goût de sa peau. Elle se réveillait alors, le corps brûlant et haletant, et abandonnait l'idée de repartir au pays des rêves. Ils étaient trop réels pour ne pas être douloureux.

La nuit dernière, elle était rentrée chez elle après une conversation particulièrement éreintante avec John Smith et avait vraiment pensé pouvoir dormir tant elle se sentait épuisée. Raconter son histoire l'avait vidé.

Elle n'avait pas fermé l'oeil de la nuit. L'image d'un naginata rouge du sang de ses victimes et des flammes mangeant les bâtiments de la Première Division l'avaient hanté, et elle avait eu l'impression de revivre le Festival une nouvelle fois.

Elle avait revu ses erreurs, avait entendu une nouvelle fois le cri apeuré de Natsuki et senti ses lèvres. Elle s'était vu mourir dans les bras de celle qu'elle aimait. Elle se sentait détruite, comme si les huit années qui la séparaient à présent du Festival n'avaient pas existé.

Elle n'entendit pas la porte de son bureau s'ouvrir. Elle en sentit pas la présence de quelqu'un dans la pièce ni ne vit le regard remplit d'inquiètude que Nao porta sur elle en la voyant.

« Hey, Shizuru... »

Elle rouvrit les yeux et grimaça en sentant sa tête tanguer comme dans un bateau. « Oui? Nao? »

« Tu as une mine affreuse. Rentre chez toi. »

« Ara, Nao s'inquièterait-elle pour moi? C'est trop d'honneur. » Elle sourit, du moins elle sentit ses lèvres se recourber dans un semblant de rictus, et remit en place quelques mèches de cheveux rebelles. Nao soupira mais n'ajouta rien sur le sujet.

« J'ai essayé de récupérer les listes de personnels de Schwartz. »

« Oh? Nao-san est si efficace! Alors, qu'en est-il? »

« Ils ne sont publiés nul part. Noir total. C'est pas qu'un peu suspect, je dirais. » Shizuru mit plus de temps qu'à son habitude pour comprendre le sens des paroles de son interlocutrice et mis un certain temps avant de réagir à cette affirmation.

« Oh? C'est embêtant. »

Quelque chose chez Nao sembla lâcher. Sans un mot, la jeune femme se précipita vers elle est l'empoigna de force en la jetant sur son dos comme elle le ferait pour un sac. Pas de douceur chez Nao Yuuki dans ce genre de situation. Elle avait une réputation à tenir. Avant même que Shizuru ne comprenne où elle se trouvait, elle quitta le bureau à grand pas et se dirigea vers sa voiture.

« Nao! Relâche-moi tout de suite! »

« A d'autre, Fujino. Je ne travaille pas avec des mollusques. »

Elle ouvrit une portière et, se décidant à reposer sur le sol son encombrante collègue qui se tortillait dans tous les sens pour se libérer, la poussa à l'intérieur.

« Ne pense même pas à sortir! Je t'emmène chez Mai.»

Après un soupir et un clignement de paupières, Shizuru dû se résoudre à rester confortablement assise dans l'habitacle. La vérité c'est qu'elle était heureuse que sa collègue, si grincheuse et en apparence si indépendante, était inquiète au point de la faire sortir de force de son lieu de travail.

Quelqu'un s'inquiètait pour elle. Parce que ce quelqu'un tenait à elle.

Son esprit voyagea vers Natsuki et elle eut envie de pleurer. Elle se contenta de fermer les yeux. Après tout ce temps elle était toujours incapable de savoir si la jeune femme se préoccupait d'elle ou si elle n'avait jamais été qu'un moyen pour enquêter sur la Première Division. Je suis sa plus importante personne, se dit-elle alors que la voiture avançait vers une destination connue. J'étais, corrigea-t-elle. Et maintenant, Natsuki, que suis-je pour toi?

La voiture se gara sur le parking d'un petit restaurant qu'elles connaissaient si bien et elles sortirent en silence. Sans demander la permission, Nao passa un bras autour de sa taille et Shizuru se rendit compte que c'était parce qu'elle ne tenait pas aussi bien sur ses jambes que ce qu'elle voulait croire.

Le reste du trajet fut un peu trop trouble. Elle revint à la réalité lorsqu'elle sentit que quelqu'un la déposait sur un matelas avec douceur. Elle entendit des voix.

« Mais enfin, mais qu'est-ce qui l'a mise dans un état pareil? On dirait qu'elle n'a pas dormi depuis des jours! Vous êtes toutes les deux complètement inconscientes ou quoi?! Vous voulez-vous tuer au travail? Mais quelle bande de bras cassés vous faites, vraiment! »

Elle sourit. Mai.

« Mai, je sais que je t'en demande beaucoup mais s'il te plait... fais en sorte qu'elle ... pour la journée... je ne veux pas qu'elle ... malade ... sais pas ce qui se ... »

Nao.

Elle pleurait, maintenant. Elle le savait.

« Shizuru... »

Deux bras l'encerclèrent et elle se sentit finalement en sécurité. La voix de Mai retentit une dernière fois à son oreille avant que tout ne devienne noir.

« Tu ne peux pas toujours être la plus forte, Shizuru. Mais tu n'es pas seule. »

C'était ça. Elle n'était pas seule.
__________

Alors, s'en pensez quoi?
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Otome Corail


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MessagePosté le: Dim Mar 29, 2009 10:23 am    Sujet du message: Répondre en citant

Coucou tout le monde!

Mince, c'était si terrible que ça ? Ugh, j'espère que je vais me rattraper sur ce chapitre, héhé... Apparition du grand méchant (loup), sans beaucoup de surprise mais quand même ^^.

Enjoy!

LA CHIMÈRE

Chapitre 4: Une Nuit chez Schwartz


13 Avril 2014

La présidente de la fondation Searrs était présentement une femme agacée. Assise avec raideur sur son fauteuil pourtant très confortable, elle regardait impassiblement ses deux meilleures généticiennes, qui se tenaient en face d'elle avec sur leur visage une expression indéchiffrable. Il fallait dire que la situation était délicate. Très délicate.

Tomoe Marguerite était une femme prévoyante. C'était probablement ce qui les avait tous sauvé d'une véritable catastrophe médiatique quelques jours plus tôt. Beaucoup de ses employés lui reprochaient d'être trop stricte, mais chacun d'entre eux était d'accord pour dire qu'il se sentait en sécurité lorsqu'il se savait protégé par elle. Et à cet instant, la jeune femme n'avait que trop conscience que l'une de ses employées, et par la force des choses sa collègue également, avait désespérément besoin de protection.

Elle soupira en tapotant des doigts le bois blanc de son bureau avec nervosité. Lorsqu'un cobaye s'était échappé de l'enceinte du bâtiment de recherche consacré au projet Sunrise, ils avaient tous espérés qu'avec un peu de chance, il se perdrait en forêt avant d'atteindre la ville et s'y éteindrait sans conséquence. Seulement il semblait que la chance ne soit pas de leur côté, et ça, ça l'agaçait profondément. Que pouvait-on faire lorsque même les planifications les plus parfaites étaient déjouées par une malchance hors du commun qui frisait l'indécence?

Qu'un cobaye ait pu s'échapper, ce n'était pas le résultat d'une négligence. C'était tout simplement un effet malheureux et imprévisible de l'expérience en cours. Natsuki Kuga et Rena Sayers avaient fait leur plus plates excuse, et de toute évidence les deux femmes n'y étaient pour rien.

Que ce même cobaye réussisse à survivre suffisamment longtemps pour arriver en ville, par on ne sait quel miracle étant donné qu'il devait pour cela traverser à pieds une forêt entière sans le moindre repère, et soit pris en charge par le seul hôpital capable de produire des analyses ADN en moins d'une semaine, c'était là aussi le fruit d'un malchance exagérée et irritante.

Alors quand Natsuki Kuga lui avait demandé une semaine plus tôt un entretien, elle s'était attendu à tout. Elle avait annulé plusieurs réunions pour se libérer et accueillir la scientifique le plus vite possible. A tout, elle s'était attendu à tout. Mais visiblement pas à ça.

Le destin devait s'acharner sur elle. Il était impossible qu'il en soit autrement. Comment, par tous les diables, était-il possible qu'en plus, l'une des meilleures amies de Natsuki Kuga, qu'elle n'avait pas vu depuis des mois, se soit retrouvée en charge du dossier et ait pensé à l'appeler pour lui demander des informations sur la fondation Searrs? C'était cruel. Une telle malchance n'existait que dans les livres. À ce rythme, elle serait arrêtée et mise à l'ombre à vie avant la fin de la semaine. Et c'était hors de question.

Natsuki Kuga était une surdouée de la génétique. Pour rien au monde elle ne se séparerait de ce génie né. Son savoir était bien trop précieux, ses instincts trop fiables. Elle lui avait tout raconté, sa rencontre avec cette femme qu'elle n'avait pas revu depuis huit ans, la manière dont elle a détourné l'attention en les menant vers John Smith, et sa rencontre avec ce dernier avant de l'envoyer les voir.

Une femme intelligente, cette Kuga. Et très prévoyante. Elle avait demandé à John Smith de donner aux enquêteuses les mots « Sunrise », « Nina Wang » et « Irina Woods ». Toutes ces informations étaient vraies. Mais elles étaient assez vagues pour lui laisser le temps d'organiser sa défense, et celle de ses employées. C'était à elle maintenant d'agir.

Elle continua de les regarder, le cerveau en ébullition. Rena et Natsuki ne semblaient pas nerveuses. Elles savaient qu'elle les protégerait à n'importe quel prix. Et Natsuki lui avait donné les moyens de le faire grâce à la coopération de Smith.

« Bon. La situation n'est pas terrible mais je pense que nous allons pouvoir régler ça », commença-t-elle en continuant de tapoter son bureau avec indifférence, « nous allons les laisser venir ici et trouver celles qu'ils cherchent. Seulement, nous allons nous arranger pour qu'ils arrêtent les fausses Wang et Woods. »

« Des boucs-émissaires? » demanda Rena, visiblement sceptique.

« C'est vous ou eux, Rena. Et j'ai besoin de vous deux pour Sunrise. » Elle se leva et tourna autour de son bureau pour se retrouver face à elles. « Puisque Nina Wang et Irina Woods ne sont que des noms d'emprunts, il suffit de changer leur possesseur et tout devrait bien se passer. Je vais m'occuper de ça. »

« Je... je vous fais confiance. » répondit Rena en se massant les tempes.

« Tu dois, oui. » répliqua Tomoe en croisant les bras. « Mais c'est risqué. Il va falloir brieffer les boucs pour qu'elles soient crédibles et qu'elles aient des informations à donner. Et il va falloir s'arranger pour leur faire croire que j'ignorais ce qu'il se passait au sein de ma propre fondation. »

Natsuki prit la parole en se mordant nerveusement la lèvre inférieure. « Dans ce cas il faut falsifier les documents relatifs aux entrées des détenus dans la laboratoire. » Tomoe émit un petit rire désagréable.

« Pour qui me prends-tu, Natsuki? »

« Kuga. »

« A d'autre. J'ai déjà falsifié les documents, petite naïve. Crois-tu que je publierais des déclarations financières dans lesquelles il serait écrit Projet Sunrise: trois millions de yen? »

Elle se pencha vers la généticienne qui se tassa dans son siège avec dégoût. « Ils ne trouveront rien, Na-tsu-ki, tout est déjà parfaitement sécurisé de ce côté. Par contre... » Elle s'éloigna de la jeune femme avec un sourire innocent et leva les yeux au ciel, faussement pensive. « Je me demande pourquoi tu n'as pas sauté sur l'occasion pour te libérer de tes chaînes. Ne me dis pas que tu as pris goût à jouer avec l'humanité, Kuga? »

Cette fois-ci c'était Natsuki qui riait. D'un rire plus triste qu'une tombe. « Et qu'auriez-vous fait? Vous auriez tué Rena et Arika et vous auriez trouvé d'autres scientifiques et d'autres moyens de pressions pour recommencer. »

« Ils m'auraient arrêté », continua Tomoe Marguerite avec un sourire un peu sadique, « la fondation aurait été détruite. Rena et Arika auraient été sauvées, et toi aussi. Pourquoi n'as-tu rien tenté, Na-tsu-ki? »

La jeune femme serrait les poing et la mâchoire de rage à présent. « Vous êtes trop fine pour vous laisser arrêter. La police est infiltrée. Vous auriez eu tout le temps de détruire les preuves et tuer les individus gênants avant de prendre la fuite. »

« Ah! Suis-je bête », répondit-elle en se frappant le front. Son sourire s'élargit encore lorsqu'elle énonça avec fatalisme « c'est vrai, j'oubliais... Mais dans ce cas, tu ne vois pas d'inconvénient à ce que je te demande de retourner voir tes charmantes amies pour suivre l'avancée de leur enquête, ne? Ce n'est pas comme si tu allais les aider à t'arrêter. »

Natsuki soupira avec un fatalisme non-feint cette fois. De l'espionnage, à présent. Cette femme était un démon.

*

Lorsqu'elle rentra chez elle et que son téléphone sonna en lui indiquant le prénom de Nao Yuuki, Natsuki crut que le destin s'acharnait sur elle. Avait-elle mérité cela? Elle n'en était pas si certaine.

Avec un soupir d'exaspération, elle laissa tomber son manteau sur le dos d'un fauteuil et décrocha son téléphone avant de s'avachir sur le canapé du salon.

« Kuga »

« Natsuki? C'est Nao. J'ai une faveur à te demander. »

A cet instant, la jeune femme aux yeux vert sut que tous les dieux de la planète devaient lui faire payer les crimes de vies antérieures. Pourquoi tout le monde voulait lui demander des faveurs intenables, d'un seul coup? Qu'est-ce c'était, cette fois? L'infiltration d'un système de sécurité?

« Je ne sais pas si je vais accepter là, tu vois. »

« Mauvaise journée? »

« Atroce. »

Elle entendit un petit rire à l'autre bout du fil et se demanda brièvement, au regard de tout ce qu'elle vivait depuis quelques jours, ce qui pouvait bien être drôle à entendre le mot « atroce ». Elle n'y voyait vraiment rien d'amusant. La suite de la conversation ne fit malheureusement que la conforter dans cette idée.

*

Natsuki se demandait vraiment ce qu'elle faisait devant la porte de cet appartement où elle n'avait, elle en était certaine, aucune envie de mettre les pieds. Elle passa nerveusement une main dans ses cheveux noirs et se jura mentalement de tuer Nao plus tard.

Pour faire court, Shizuru voulait la voir. Nao lui avait donné l'adresse de son appartement et lui avait vivement conseillé d'aller y faire un tour pour, si elle se rappelait bien, « renouer un peu avec elle ». Rien ne lui semblait plus ridicule. Et pourtant, elle se retrouvait devant la porte d'entrée de l'appartement en question, au beau milieu de l'après-midi, plus excitée et nerveuse que jamais, à se demander si elle devait frapper ou s'enfuir en courant.

Elle se décida finalement à taper quelque coups secs contre la porte et à attendre l'arrivée de la propriétaire des lieux. Il y eut des bruits de pas feutrés qui s'arrêtèrent devant la porte de l'autre côté et après un claquement sec elle s'ouvrit en douceur.

« Natsuki?! »

C'était son prénom, la dernière fois qu'elle avait vérifié. Mais à la vue de la femme de ses rêves juste devant elle, simplement habillée d'un jean et d'un débardeur blanc, elle avait du mal à se rappeler qui elle était. Sa réaction était moins violente que quelques jours auparavant. Un tout petit peu.

Elle contempla un instant Shizuru, qui visiblement était tout aussi en transe qu'elle, avant de prendre la parole dans une voix voilée et inexpressive.

« Surprise. »

Shizuru la regarda encore un instant, interloquée, avant que son visage ne se fende en un magnifique sourire. Comme ils lui avaient manqués, ces sourires! Elle s'effaça pour l'inviter à entrer et après une brève hésitation, Natsuki entra en tentant de ne pas inspirer trop profondément le parfum qui régnait dans tout l'appartement.

« Nao m'a dit que tu avais besoin de compagnie. Alors je me suis dit que c'était peut être l'occasion de... parler un peu. »

Shizuru rit « Nao veut faire croire à tout le monde qu'elle est un monstre sans coeur, mais c'est une vraie mère-poule, ne? » Natsuki lui rendit un sourire mi-figue, mi-raisin mais ne dit rien. Le silence retomba et elles se regardèrent, mal à l'aise. La généticienne s'était attendu à quelque chose de la sorte, mais n'avait pas prévu que la tension soit aussi... sexuelle. Elle avait l'impression que si elle ne disait pas quelque chose immédiatement, elle allait lui sauter dessus. Littéralement.

« Je suis heureuse de te voir. » Voilà. C'était mieux que rien.

« Moi aussi. Tu n'imagines sans doute pas à quel point. » lui répondit Shizuru en lui faisant signe de s'asseoir en souriant doucement. « Tu as changé. »

Natsuki sentit une toute autre sorte de tension que celle qui régnait jusqu'à présent dans la pièce se former en elle. Elle détourna le regard un instant avant de replonger ses yeux dans ce rouge si riche qu'elle adorait et qui l'avait tant hanté. « Toi aussi. Détective, uh? Je t'aurais plutôt vu psy. »

« Je voulais me faire pardonner pour... le Festival. Alors, j'ai choisi ça. Je ne regrette pas. J'adore ce métier. » Elle s'arrêta, l'air pensive, puis reprit, le regard pétillant. « Ara, mais c'est sans doute moi la plus surprise des deux, non? Je n'imaginais pas du tout Natsuki en chercheuse. Pour les Searrs en plus, c'est plutôt inattendu, ne? »

Elles se sourirent encore. A croire qu'elles ne savaient faire que ça lorsqu'elles se voyaient.

« Je ne m'y attendais pas non plus, crois-moi. Avec tout ce qui s'est passé avec Alyssa et Miyu... » Elle fit la moue. « C'est probablement le dernier endroit où je pensais atterrir. »

Et rien n'était plus vrai. Mais ça, personne ne devait jamais le savoir.

Elles restèrent ainsi pendant plusieurs heures. A leur plus grande surprise, les sujets de conversation s'enchaînaient paisiblement et sans heurt. Elles parlèrent de leur travail (Natsuki savait être très inventive lorsqu'elle feignait de superviser la conception d'androïdes dont elle ne connaissait pas grand chose), de leurs amis, de leurs souvenirs communs et de ceux qu'elles n'avaient pas encore eu l'occasion de partager, de sujets légers, ceux qui font rire et qui font oublier pendant quelques minutes la réalité de leurs vies et qui effacent le poids de leurs erreurs.

Et elles étaient heureuses.

Le moment vint pourtant où Natsuki, à regret, dû penser à rentrer chez elle. Quand elles se retrouvèrent toutes les deux devant la porte, la tension qui avait disparu pendant les quelques heures qu'elles avaient passé ensemble resurgit avec la force d'un raz-de-marée.

« Bon », commença Natsuki en se tournant vers son aînée avec raideur, « je... »

« Est-ce que je te reverrai? »

Les paroles de Shizuru lui firent l'effet d'une gifle. Avait-elle blessé cette magnifique femme au point qu'elle ait l'impression qu'un simple au revoir signifiait un adieu? La question avait été posée sur un ton presque plaintif, tellement faible, tellement peu assuré, si peu Shizuru. Sa respiration redevint erratique et elle se força à lutter contre les larmes. Elle voulait cesser de réfléchir. Elle voulait se précipiter vers elle et la serrer dans ses bras comme si sa vie en dépendait, lui promettre de ne plus jamais la quitter, respirer l'odeur de ses cheveux et lui murmurer à l'oreille des promesses d'amour éternel comme les héros de romans. L'embrasser.

Mais elle resta figée, incapable de bouger pour rassurer Shizuru, la si fragile Shizuru qu'elle avait découverte pendant le Festival et qui la suppliait indirectement de ne pas partir.

« Imbécile... évidement que je vais revenir. Crois-tu vraiment que je referai deux fois la même erreur? » souffla-t-elle en plongeant ses yeux dans les siens. « Tu es ma plus importante personne, tu te rappelles? »

Shizuru lui sourit encore et elle pencha la tête sur le côté. « Tu n'as peut être pas tant changé. »

« Euh... pardon?? » Le sourire de l'aînée s'élargit et devint plus dangereux. Ô oui, Natsuki se souvenait de ce sourire.

« Natsuki et toujours aussi mignonne. »

« Pardon??? Je ne suis pas- » Shizuru éclata de rire. « Shizuru... »

« C'était trop tentant, non? Na-tsu-ki. »

*

15 Avril 2014


C'était la nuit sur la ville de Nagoya lorsque deux silhouettes sveltes vêtues de combinaisons noires se faufilèrent entre deux immeubles. Le premier était un building ressemblant fort à un centre d'affaires. Élancé et droit, c'était une haute tour de verre où travaillaient les employés d'une grande société d'agro-alimentaire. Le deuxième était plus grand encore, mais surtout plus large. Ce n'était pas une tour, il n'était haut que de quelques étages. Tout en verre lui aussi, il était impossible de distinguer quoique ce soit de ce qu'il se passait à l'intérieur, le verre n'était pas transparent. Tout comme la société qu'il abritait.

Une fois arrivées dans une ruelle sombre, elle se tournèrent vers ce dernier et après quelques encouragements et ordres, elles s'élancèrent à l'assaut des parois. Pour tout humain normalement constitué qui n'avait aucun notion d'escalade, tenter de grimper sur un pareil monstre de verre relevait de la folie furieuse. Mais elles n'étaient pas des humains ordinaires.

Elles étaient des Himes. Ces femmes qui, malgré la perte de leurs éléments, gardaient une force et des réflexes hors de portée du commun des mortels.

Alors elles escaladaient, avec souplesse et lenteur, le centre nerveux de Schwartz comme si elles se baladaient dans un parc.

Nao adorait l'escalade. C'était son sang de veuve noire qui commandait alors, et elle avait pris la tête de l'ascension sans effort tandis que Shizuru la suivait avec prudence. Cette dernière n'était pas du tout à l'aise pour ce genre d'aventure. Nao devait lui indiquer où mettre les pieds. Nul doute que les serpents n'étaient pas le genre d'animal à aimer l'escalade. Ils préféraient ramper. Elle gloussa en imaginant Shizuru dans une telle position et se hissa finalement à la hauteur de la fenêtre qu'elles avaient eu pour objectif d'atteindre.

Tout était de la faute d'Argos Cardair. Le matin même, après avoir traversé une partie du Japon en train pour atteindre Nagoya, les deux détectives s'étaient présentées à un rendez-vous avec le président de l'organisation Schwartz dans le but d'obtenir une fois pour toutes les listes de personnel des laboratoires de recherche. L'entretien avait été un véritable cauchemar.

Argos Cardair était vieux, chauve, acariâtre et pour être tout à fait honnête, Nao lui avait immédiatement attaché l'adjectif « véreux ». Et c'était un homme rusé. Et cela, les détectives l'avaient également remarqué. Très vite.

Il avait refusé de leur donner les listes en invoquant le secret professionnel et le danger dans lequel ses employés pourraient être si ces listes venaient à être connues. Elles lui avaient dit que seule la police en aurait connaissance et que ne pas leur donner était une entrave au cours de la justice.
Il avait alors demandé à ce qu'un mandat leur soit donné. Pas de mandat pas de listes. Et Nao savait qu'Argos savait que jamais la police ne leur donnerait un mandat. Après tout, Smith le leur avait bien dit, les hautes sphères de la police ne sont pas claires. Et elles avaient eu la plus désagréable opportunité de vérifier ses propos.

Nao Yuuki n'était pas un détective ordinaire. Mais c'était Shizuru qui avait eu cette idée. Merveilleuse idée. Avant de repartir et pendant que Nao faisait diversion en jouant l'un de ses éclats de rage qui faisaient vibrer les murs et trembler le bâtiment sur ses fondations, elle avait entrouvert l'une des fenêtres du hall du quatrième étage. Celle près de la machine à café. Elle s'était même forcée à en boire un pour effacer les doutes. Si Natsuki avait été avec elles, infiltrer le bâtiment aurait été un jeu d'enfant, c'était vrai, mais il fallait bien avouer que Shizuru ne se débrouillait pas mal non plus. Nul doute que la femme aux cheveux noirs aurait été très fière.

En attendant que Shizuru arrive à sa hauteur, elle chercha le coin de la fenêtre pour l'ouvrir en grand tout en faisant attention à ne pas éveiller les alarmes de sécurité. Il n'y avait pas de caméra de surveillance dans le bureau du président. Sans doute parce qu'il estimait qu'il était impossible d'y entrer. Le hall d'entrée par contre, était truffé de ces petits espions peu sympathiques.

Mais elles l'avaient prévu.

Entrer était difficile, mais ça n'était pas impossible. Du moins pas pour Shizuru. Nao savait escalader. Shizuru savait ramper. Une fois à l'intérieur, se glisser jusqu'à la porte d'entrée du bureau était tout à fait à sa portée.

Avec un dernier regard et un hochement de tête, elles mirent leurs cagoules et allumèrent leurs oreillettes, que Nao avait réussi à obtenir de l'un de ses incalculables contacts, pour communiquer une fois séparées. Nao savait qu'elle n'avait pas assez de souplesse et de rapidité pour se glisser à l'intérieur. Elle devrait attendre, à l'extérieur, et prier pour que tout se passe bien. Shizuru se hissa sur le minuscule rebord de la fenêtre et pendant un moment, elle attendit, accroupie et tendue.

A l'instant même où l'une des caméras allait se tourner dans sa direction, elle bondit et se glissa avec une rapidité sur-humaine contre un mur à l'opposé. Sans perdre un instant, elle continua sa course, aussi silencieuse qu'une ombre, et atteint la porte du bureau, qu'elle dépassa sans un regard pour aller se fondre dans l'ombre d'un recoin, à quelques pas de cette dernière. Nao relâcha la respiration qu'elle avait jusque là retenue en un long soupir de soulagement.

C'était le moment où la chance et les instincts entraient en jeu. Aucune des deux femmes ne prétendait être assez calée en informatique pour pirater le système et ouvrir la porte sans avoir à passer par le code. Et une entrée par la force serait une catastrophe.

Le code. Shizuru avait vu Cardair le taper lorsqu'ils étaient entrés, mais elle n'y avait alors pas fait spécialement attention. Elle avait donc cherché dans sa mémoire à reconstituer les mouvements qu'il avait fait pour pouvoir les reproduire à son tour. Il ne fallait pas se voiler la face. C'était complètement hasardeux. Mais elles n'avaient pas d'autre choix que d'essayer. En plus de cela, il fallait qu'elle parvienne à ouvrir la porte avant que la caméra de surveillance ne la repère, c'est à dire en trois secondes. C'était peu. Elles savaient que dans le meilleur des cas, la caméra verrait la porte se refermer et que l'alarme se déclencherait. A partir de ce moment, la course commencerait. Il faudrait retrouver les listes et sortir du bâtiment avant que la sécurité n'arrive.

Nao ne vit pas Shizuru inspirer profondément en attendant l'instant où elle pourrait sortir de l'ombre pour entrer dans l'antre du loup. La femme de Kyoto bondit une nouvelle fois et en un instant, se retrouva devant le petit clavier où elle tapa quatre chiffres à une vitesse hallucinante. Nao ferma les yeux. Il fallait que ce soit les bons, il le fallait.

Une seconde passa et rien. Rien? Nao rouvrit les yeux. La porte était ouverte et la silhouette de Shizuru se précipita à l'intérieur au moment où les premières alarmes retentissaient. La porte se referma et se verrouilla automatiquement. Nao expira longuement avant de se décaler pour ne pas être vue et de prendre la parole.

« Tu y es? » demanda-t-elle avec anxiété.

« Ara, Nao est si impatiente. »


« Les plaisanteries plus tard, Fujino, magne-toi. Ils seront là d'une minute à l'autre et je ne veux pas être virée. » rétorqua-t-elle avec irritation. Cette femme!

« Le bureau de Nao-san est mieux rangé que leur base de données. Ça va être plus long que ce que je pensais. »


« Quoi? » Elle entendait déjà le bruit d'une cavalcade dans les étages inférieurs. « Pas de bêtise, Shizuru. Si tu ne trouves rien dans une minute, tu... »

« Je vais trouver. Nao ne devrait pas s'inquièter autant pour moi, ne? »

Elle soupira et se tendit. Deux minutes passèrent en silence. Puis la jeune détective grimaça. Ils étaient déjà presque arrivés. Ils avaient été si rapides!

Elle entendit un petit cri de victoire dans son oreillette et son coeur s'accéléra.

« Tu l'as? Sors, sors! Ils arrivent! »

« Encore une petite seconde. »


« Shizuru! » Ils étaient dans le hall d'entrée.

De l'autre côté de la porte, Shizuru regardait frénétiquement l'écran de l'ordinateur qu'elle avait sous les yeux. Encore une seconde et la copie serait complète. Elle entendit la voix angoissée de sa coéquipière et le bruit que faisaient les gardes de l'autre côté.

Encore une seconde.

Non. Elle n'avait plus le temps.

Elle bondit vers le fauteuil de cuir sur lequel Argos Cardair les avait reçu quelques heures plus tôt, l'empoigna fermement et le lança de toutes ses forces contre la fenêtre. Le verre se brisa en mille morceaux.

Copie terminée


C'était ça.

La porte d'entrée vola s'ouvrit. Elle récupéra la copie.

Une dizaine d'homme entrèrent en courant. Elle sauta dans le vide.

Ce n'était pas franchement la meilleure idée qu'elle avait eu. Le plan original avait été d'ouvrir une fenêtre et de se glisser à l'extérieur pour ensuite redescendre et prendre la fuite avec la voiture qu'elles avaient garé non loin de la ruelle où elles s'étaient faufilées.

Pas de sauter dans le vide et de se crasher sur la paroi de verre de l'immeuble d'en face.

Sonnée, elle se sentit tomber en arrière et attendit le début de la chute vertigineuse qu'elle allait vivre.

Natsuki

Rien ne vint. Un poids inattendu s'abattit sur elle et la plaqua de nouveau contre la paroi glacée que deux mains agrippaient fermement par les bords.

« Ne refais plus jamais ça! » Le cri de Nao la réveilla de sa transe et sans avoir le temps de vraiment s'en rendre compte, elle fut tirée vers le bas. Elle avait failli oublier qu'elles étaient encore toutes les deux agrippées à un building, à la merci d'une dizaine de gardes qui les regardaient depuis l'immeuble d'en face et qui commençaient à courir vers l'ascenseur pour les intercepter lorsqu'elles seraient descendues.

Nao agrippa sa taille et elle sentit que la jeune femme les laissait tomber dans le vide, à quelques millimètres seulement de la paroi de verre. Elle cria et ferma les yeux. Nao était devenue folle.

La chute s'arrêta à un moment donné et elle sentit ses pieds toucher le sol en douceur. Douceur? Hébétée, elle rouvrit les yeux et vit qu'elles étaient de retour dans la ruelle sombre. Sans plus se poser de questions, après tout Nao n'était pas une araignée pour rien, elle se précipita vers la voiture, sa jeune collègue sur ses talons. Elles s'engouffrèrent à l'intérieur et démarrèrent au moment où les gardes sortaient du bâtiment à leur recherche.

C'était moins une.

Alors que Nao roulait à une allure folle et lui hurlait qu'elle était une folle inconsciente, Shizuru sourit.
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MessagePosté le: Dim Mar 29, 2009 12:46 pm    Sujet du message: Répondre en citant

o_o c'est bizarre j'étais sûre d'avoir commenté le chapitre précédant o_o maintenant tu penses qu'on n'aime pas =___= mais moi j'adore !!! c'est trop trop bien ^^ j'ai commencé le dernier chapitre mais je suis obligée d'arrêter en plein milieu j'ai trop de travail >_< mais c'est trop émouvant la visite de Natsuki chez Shizuru *_* je vais essayer de finir mon travail le plus vite possible pour finir ma lecture Very Happy en tout cas j'adore ton style ^^ tu écris super bien Very Happy et en plus tu postes super souvent *_*

Edit : j'ai fini \o/ c'est excellent !!! Very Happy merci pour cette super histoire *_* *passionnée*

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MessagePosté le: Dim Mar 29, 2009 5:02 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Ola dis pas n'importe quoi on kiffe ta fic, okay ?
Je me suis trop marré quand j'ai lu "La généticienne s'était attendu à quelque chose de la sorte, mais n'avait pas prévu que la tension soit aussi... sexuelle.".
Trop délire, bah si c'est comme ça elle est pas sortie de l'auberge la pauvre.
Merci et continue .

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MessagePosté le: Sam Avr 04, 2009 9:54 am    Sujet du message: Répondre en citant

Salut tout le monde! Voici la suite, j'espère qu'elle vous plaira (j'ai eu un mal fou à l'écrire...).

Citation:
Ola dis pas n'importe quoi on kiffe ta fic, okay ?

Embarassed ... Oui capitaine, merci capitaine ^^!

Citation:
en plus tu postes super souvent *_*

Bah en fait, je sais que plus le temps passe, plus la motivation pour écrire est difficile à trouver alors j'essaye d'écrire le plus vite possible tant que je suis motivée pour le faire, histoire d'éviter de laisser en plan cette histoire en plein milieu de l'intrigue ^^... ou de poster un chapitre tous les trois mois Confused .

Bref, je blablate, bonne lecture!

LA CHIMÈRE

Chapitre 5: Entretien avec une Menteuse


17 Avril 2014

Shizuru soupira en se frottant les yeux.

Il était véritablement frustrant de voir à quel point les efforts et les actions accomplis l'étaient souvent pour rien. Après avoir voyagé en train de l'autre côté de la baie d'Isé, avoir infiltré une organisation, avoir joué à James Bond en sautant dans le vide et avoir manqué de se faire tuer par des gardes furibonds, les deux détectives se retrouvaient, plus frustrées que jamais, devant des listes de personnel vierges de toute Nina Wang et Irina Woods. Les deux scientifiques ne travaillaient pas pour Schwartz. Elles avaient risqué leurs vies et leurs carrière pour rien.

Malgré sa fatigue et sa déception, la jeune femme sourit en pensant à une certaine scientifique aux yeux verts émeraudes. Elle avait été dans cet état d'esprits depuis la dernière visite de Natsuki et rien ni personne ne semblait pouvoir la faire descendre de son petit nuage. Pas même le souvenir de l'infiltration ratée à Nagoya.

Tu es ma plus importante personne, tu te rappelles?

Oui, elle se souvenait. Mais elle préférait se souvenir du regard de la jeune femme à ce moment. Celui qui semblait lui hurler « tu es à moi » alors même qu'elle lui disait au revoir. Et elle ne s'était jamais sentie aussi amoureuse de toute sa vie.

« Allô?? La Terre à Fujino? » Une main impérieuse vint se secouer devant ses yeux et elle soupira. Nao semblait beaucoup s'amuser à lui faire remarquer ses rêveries permanentes.

« Ara, Nao semble être particulièrement en forme pour se tortiller ainsi dans tous les sens. » répliqua-t-elle en feignant de ne pas avoir été surprise. La rousse leva les yeux au ciel mais lui offrit un sourire narquois.

« Quand tu auras fini de fantasmer sur les courbes de Kuga, fais-moi signe, hein? » Shizurur se ménagea un visage offensé. « Ara, qu'est-ce que Nao-san peut bien imaginer? »

La détective soupira et reprit son sérieux. « Je suis heureuse de voir que Natsuki a un effet, disons, positif sur toi, mais n'oublie pas que l'enquête est loin d'être terminée, ok? » Elle s'arrêta avant de souffler plus tristement. « Je n'ai pas envie de retrouver un autre cobaye. » Shizuru pencha la tête sur le côté et son sourire se fit plus neutre. Nao avait raison. Elle rêverait plus tard. Mais tout de même, ces courbes, quelles courbes!

« Dans ce cas, qu'est-ce que Nao propose? Pas d'aller escalader un autre building, ne? »

La rousse se rassit confortablement dans son fauteuil et alluma une cigarette avant de partager ses pensées. C'était toujours elle qui exposait les faits. Après quoi, Shizuru proposait les solutions. « Nous sommes certaines d'avoir les bonnes listes de Schwartz, et Woods et Wang n'y apparaissent pas. Ça me fait mal de l'admettre, mais je crois que Argos Cardair est moins malhonnête qu'il n'en a l'air. La Première Division a été exclue par Smith, et je pense qu'on peut lui faire confiance sur ce point. Ce qui nous laisse... »

Shizuru l'interrompit pour continuer. « La fondation Searrs. Mais les listes que nous avons ne comportent pas non plus les noms Woods et Wang. » Elle s'arrêta quelques instants. « Es-tu certaine de ne pas avoir mis de côté un laboratoire qui aurait pu être suspecté? »

Nao expira un filet de fumée avec irritation. « Évidement! Je ne suis pas une débutante, Fujino, je ne fais pas ce genre d'erreur. »

« Dans ce cas », reprit-elle calmement, « cela veut dire que les listes de la fondation Searrs ne sont pas complètes. »

C'était cela. Après tout, le nom de Natsuki Kuga y était inscrit, ce qui ne pouvait dire qu'une chose, soit Smith leur avait menti, soit la fondation Searrs mentait sur ses déclarations de personnel. Et Shizuru avait du mal à croire que Smith ait pu les mettre sur une fausse piste. Le prix à payer avait été trop lourd pour de simples mensonges.

Nao écrasa sa cigarette contre la semelle de sa botte. « Je crois que Natsuki va nous être utile. » Shizuru lui lança un regard entendu. « Nous sommes les reines de la fraude. Si le chef savait ça... »

*

« Si tu me dis encore que c'est une faveur, Nao, tu vas le regretter. »

Les deux femmes qui se trouvaient devant sa porte lui offrirent deux sourires innocents. Elle soupira avant de les laisser entrer. Après tout, Tomoe lui avait donné des ordres strictes, elle ne pouvait que sauter sur l'occasion. Nao et Shizuru ne l'avaient pas prévenue de leur visite. Elle savait que pour deux détectives, trouver une adresse était un jeu d'enfant, mais tout de même. Pendant qu'elles échangeaient quelques banalités et qu'elle les conduisait dans le petit salon bleu, elle se félicita de ne jamais ramener chez elle un seul document relatif à son travail. Si elle l'avait fait, elle aurait présentement était dans une situation très délicate.

« Écoutez », commença-t-elle avec irritation, « j'ai eu une journée fatigante et il se fait tard, alors si vous pouviez être brèves, ça m'arrangerait. » Elle prit bien garde à ne pas regarder Shizuru dans les yeux et s'assit confortablement dans son fauteuil. Dans quelques instants, le jeu allait débuter. Il fallait qu'elle soit concentrée. Malheureusement ce fut la femme de Kyoto qui lui répondit et elle eut toutes les peines du monde à rester impassible à l'entente de son inimitable accent.

« Ara, je ne voudrais pas que Natsuki manque de sommeil à cause de nous. »

Nao reprit la parole et exposa, de façon concise et directe, comme à son habitude, le pourquoi les deux collègues avaient débarqué à l'improviste chez elle à dix heures du soir. « Nous pensons que la liste officielle du personnel de la fondation Searrs n'est pas complète. » Elle arrêta un instant pour sonder le visage de son amie qui visiblement attendait la suite avec curiosité. « Je sais que c'est beaucoup te demander, mais est-ce que tu pourrais faire sortir de ton lieu de travail la liste entière? »

« Je ne comprends pas. La liste publiée est complète. »

« Nous cherchons deux scientifiques. » expliqua Shizuru, « Il y a de grandes chances qu'elles travaillent pour les Searrs, mais elles n'apparaissent pas sur les déclarations. Comment l'expliquer autrement? »

A la plus grande surprise des deux femmes, l'incompréhension gravée jusque là sur le visage de la scientifique se mua en soulagement. Cette dernière leur sourit. « Est-ce que je pourrais voir cette liste? »

Interloquées, les deux amies lui tendirent les feuilles agrafées après avoir fouillé dans leurs mallettes de travail. Elle les regarda un moment et son sourire s'agrandit. « C'est ce que je disais. La liste est complète. C'est juste que vous n'avez pas la bonne. »

Nao tiqua. « La bonne? » Natsuki hocha la tête et rendit la liste à Shizuru en parlant d'une voix assurée.

« Les employés de la fondation Searrs font pour la plupart des expériences dangereuses ou qui suscitent l'envie d'autres organisations. Alors, pour les protéger, la direction leur demande de publier leurs recherches sous un pseudonyme. »

« Et personne n'est au courant de ça? »

« Bien sûr que si. Le tout monde scientifique sait que la fondation Searrs fonctionne de cette manière, ce n'est un secret pour personne. Tout le monde sait qui y travaille, simplement personne ne saurait dire qui travaille sur quoi. Par exemple... » Natsuki se leva et chercha dans la poche intérieure de son manteau un moment tout en continuant. « Uh, je ne suis pas sensée vous dire ça mais... » Elle sortit une petite carte plastifiée qu'elle leur tendit. « Mon nom de chercheur est Kaede Kruger. ». Shizuru contempla un instant la carte aux couleurs des Searrs sur laquelle figurait le portrait de Natsuki surmonté d'une fausse identité.

Nao regarda par dessus son épaule et se tourna vers Natsuki. « Est-ce que tu peux nous donner cette liste? » La jeune femme sembla embarrassée lorsqu'elle répondit. « Si je demande à la direction, oui. Mais dans ce cas il ne faut pas qu'elle soit publiée. Ce serait une catastrophe. »

Les deux détectives se regardèrent comme pour se concerter avant de formuler une promesse. Lorsqu'elles quittèrent l'appartement de la scientifique, elles étaient toutes les deux persuadées que Natsuki les avait aidé.

Et comme elles se trompaient.

*

18 Avril 2014


Tomoe Marguerite lui offrit son plus beau sourire à l'annonce de la nouvelle. Elle s'agita un moment avant de se lever et de lui tendre la liste demandée d'un geste triomphant.

« Tu es meilleure actrice que ce que je pensais, Natsuki. »

« Kuga. »

La présidente de la fondation Searrs était cette fois-ci particulièrement de bonne humeur. Le fait d'entendre que son employée avait été interrogée sur cette fameuse liste quelques heures à peine après avoir reçu sa nouvelle identité lui redonnait espoir. La chance avait peut être tourné en leur faveur, qui savait? La généticienne s'empara de la liste sans entrain et la fixa un moment.

« Qui sont les boucs-émissaires? »

« Tu n'as pas besoin de le savoir » répliqua Tomoe avec un sourire torve, « je peux juste te promettre que tu ne les connais pas, Na-tsu-ki. »

« Kuga. »

« C'est ça. Alors, tant que nous y sommes, où en est Sunrise? »

La brune s'agita sur son siège à la mention de son travail. « Le sujet est exceptionnel. Il résiste remarquablement bien à la mutation, je n'avais jamais vu ça. »

« De combien de temps as-tu encore besoin pour faire aboutir l'expérience? »

« Pas beaucoup. Quelques jours. Peut être un peu plus. »

« Nous les aurons. »

*

19 Avril 2014

Nao entra dans le bureau de Shizuru en faisant claquer avec violence la porte d'entrée. La jeune femme n'était pourtant pas friande des entrées fracassantes. La brunette fut si surprise qu'elle faillit en laisser tomber sa tasse de thé. Sans un mot, la rousse lui fit un sourire triomphant en brandissant un feuille au dessus de son épaule.

« Je l'ai! » Shizuru se leva d'un coup et se précipita vers elle avant de lui prendre la liste des mains. « Je n'ai pas encore regardé », ajouta Nao en la voyant faire, « je voulais que ce soit toi qui vérifie. Je suis assez nerveuse. »

Et il y avait de quoi. Si la liste qu'elles avaient sous les yeux n'était pas la bonne, alors toute l'enquête était à refaire. Shizuru promena son regard sur la feuille en diagonale et son oeil accrocha l'un des noms si recherchés.

« Nina Wang. » Elle pointa le nom du doigt pour que Nao n'ait pas à le chercher. Après quelques secondes supplémentaires, elle trouva le deuxième. « Irina Woods. »

Il y eut un instant de flottement. Elles auraient sans doute dû sauter de joie après une telle découverte, mais la vérité était que cela n'apportait que plus de questions que de réponses. Qui étaient-elles en réalité? Étaient-elles les scientifiques responsables de Sunrise? Si oui, alors Tomoe Marguerite était responsable. Mais dans ce cas pourquoi leur aurait-elle donné la liste? Elle aurait pu la modifier, changer les noms. Cela voulait-il dire qu'elle ignorait elle-même les activités de ces deux employées? Après tout, elle avait passé les premiers mois à la présidence des Searrs à licencier les employés un peu trop entreprenants sur la question. Il semblait complètement illogique qu'elle demande la réalisation d'un projet d'un genre qu'elle avait combattu pendant des semaines. Ses propres employés auraient réussi à berner sa vigilance?

Elles se regardèrent et Nao se retourna pour sortir. « On va faire un tour chez les Searrs. » Shizuru ne put qu'hocher la tête.

*

Les portières de nombreuses voitures de police claquèrent au pied du bâtiment abritant les laboratoires de la fondation Searrs. La tour était un imposant building d'une vingtaine d'étages qui correspondaient chacun à un département de recherche.

Shizuru leva les yeux vers le sommet de la tour en se demandant à quel étage travaillait Natsuki. Par respect pour la jeune scientifique, qui leur avait déjà mille fois précisé que les employés de la fondation ne devaient pas divulguer le détail de leur travail, elle n'avait jamais demandé à savoir quel était le département dans lequel sa précieuse personne évoluait. Mais la curiosité la dévorait aussi sûrement que le désir lancinant qu'elle éprouvait à chaque fois qu'elle pensait à elle.

Lorsqu'elle sentit la présence de Nao derrière elle, elle se décida à avancer d'un pas assuré et élégant vers les portes d'entrées de la fondation. Tomoe Marguerite était réputée pour sa finesse et sa faculté de parvenir à diriger les conversations à sa guise. Pour cette raison, elles avaient toutes les deux décidé que Shizuru serait la seule à parler lors de leur entretien. Le jeu allait être serré, il leur fallait donc être plus fine encore que leur interlocutrice.

Deux hommes en noir bâtis comme des gorilles les attendaient dans le hall d'entrée et lorsqu'elles se dirigèrent vers l'accueil pour parler à la secrétaire, elles pouvaient sentir leurs yeux suspicieux sur elles à travers les lunettes noires qui les recouvraient. La secrétaire leva les yeux vers elles.

« Bonjour, je suis l'agent Shizuru Fujino, nous aimerions parler à Tomoe Marguerite. »

Depuis son bureau, la jeune femme jeta un regard au dehors et, lorsqu'elle vit les quatre voitures de police garées sur le parking, blêmit, leur fit signe d'attendre, et décrocha le téléphone de service. Shizuru en fut surprise. Elle s'était attendu à une certaine résistance de la part de la jeune femme.

« Maguerite-sama?... Oui, je sais que vous êtes en meeting... la police est ici. » Un bref moment passa. Les yeux de la secrétaire s'arrondirent soudainement. « Comment?? Mais le ... qu'allons-nous faire avec ... » Elle se rembrunit et soupira. « Oui madame. Excusez-moi ... tout de suite madame. »

Avec un raclement de gorge irritée, elle raccrocha et se tourna de nouveau vers les deux détectives. « Marguerite-sama accepte de vous recevoir », commença-t-elle avant de se tourner vers l'un des gardes, « Erik, tu les accompagnes? »

Ce dernier hocha la texte, le visage indéchiffrable, et après avoir jeter un bref coup d'oeil aux deux femmes que Shizuru interpréta comme une invitation à le suivre, se dirigea d'un pas sec vers l'ascenseur. Le hall d'entrée qu'elles traversèrent était immense. La plupart des murs étaient des baies vitrées, et plusieurs salles d'attente étaient rangées sur leur droite. Il y avait d'imposantes plantes vertes un peu partout. Shizuru fut rassurée lorsqu'elle ressentit la sérénité contenue dans l'atmosphère. Natsuki devait travailler dans des conditions acceptables.

Elles entrèrent dans l'ascenseur à la suite de leur silencieuse escorte et le virent appuyer mécaniquement sur la touche indiquant le vingt-deuxième étage. Le dernier. L'atmosphère se tendit. Shizuru se força à respirer le plus profondément possible. Il ne fallait pas qu'elle montre à la présidente de la fondation son excitation quand le but de la visite était, entre autres, de s'assurer de sa non-culpabilité.

Après un moment qui lui parut durer l'éternité, l'ascenseur s'arrêta et les portes s'ouvrirent sur le petit hall que constituait le dernier étage. Shizuru tourna la tête vers sa gauche et vit une double porte sur laquelle étaient inscrites les lettres « Meeting-room » et se demanda combien de personnes attendaient à l'intérieur que la présidente revienne. Erik laissa la salle de meeting sur le côté et se dirigea vers la droite.

Bureau de la Direction

C'était ça. Sa respiration se bloqua un instant. Le garde se posta devant elles et parla d'une voix claire et sans intonation.

« Ouverture des portes. » Une voix virtuelle mélodieuse lui répondit.

« Accordée. Bureau de la Direction. »

Avec un chuintement métallique discret et plutôt agréable, la porte disparut sur le côté et les deux femmes furent menées à l'intérieur. Tout n'était que lumière et transparence. La pièce était environnée d'immenses baies vitrées qui donnaient vue sur toute la ville. C'était tout simplement magnifique, et Shizuru pensa un instant qu'elle aurait donné n'importe quoi pour travailler dans une telle pièce.

Tomoe Marguerite les attendait, debout derrière son bureau de bois blanc sur lequel trônait un ordinateur à la forme incongrue, avec un sourire doux et les yeux emplis de curiosité. La jeune femme, à la silhouette pulpeuse et sensuelle, possédait une coupe asymétrique de cheveux verts pour le moins atypique. D'un geste gracieux, elle leur fit signe de s'asseoir pendant qu'elle leur parlait.

« Fujino-san, Yuuki-san. »Son sourire s'agrandit lorsqu'elle reprit. « Veuillez excuser ma secrétaire, elle est un peu rude, mais c'est une jeune fille très professionnelle. » Elle s'assit et commença à tapoter des doigts le dessus de son bureau. « Le meeting n'était pas de la plus haute importance. Je vous attendais. »

Shizuru pencha la tête sur le côté en souriant doucement. « Vous nous attendiez, Marguerite-san? » Cette dernière parut surprise. Mais Shizuru ne sut dire si c'était une surprise feinte ou réelle. Quelque chose chez la présidente la dérangeait, mais elle était incapable de savoir si elle mentait ou pas. Elle savait reconnaître les menteurs. Toujours. C'était l'une de ses grandes spécialité. Le fait de ne pas réussir à percer les défenses de Tomoe Marguerite la troublait. Nul doute que la jeune directrice n'était pas une amatrice comme le vieux Cardair.

« Bien sûr. Ce n'est pas tous les jours qu'un de vos employés vous demande la permission de donner à des enquêteurs une liste sensée être invisible. » Elle tortilla une mèche de cheveux entre ses doigts sans se départir de son sourire poli. « Ce que je ne sais pas, par contre, c'est la raison de tout ce tintamarre au pied de ma fondation. J'aurais préféré être prévenue. »

« La vérité, Marguerite-san », commença Shizuru en tentant de ne pas montrer son malaise face à la jeune présidente, « c'est que nous sommes à la recherche de deux de vos employées. »

Le masque de perfection de Marguerite laissa place à la stupéfaction. « Je vous demande pardon? » Elle se reprit et se pencha par dessus son bureau. « J'ai du mal à vous suivre, Fujino-san. »

« Il s'agit de Irina Woods et de Nina Wang », commença Shizuru. La partie venait de commencer. « Je sais que les recherches de vos employés ne sont pas sensées être divulguées, mais nous devons savoir sur quoi elles travaillent. »

La présidente cligna des paupières quelques instants puis se renfonça calmement dans son fauteuil avec un soupir. « Je suppose que vous avez un mandat. » Shizuru lui sourit en tentant de faire abstraction du tapotement insistant de ses ongles manucurés sur le bureau.

« Attendez une minute. » Elle se tourna vers l'écran de son ordinateur si atypique et tapota sur son clavier pendant qu'elle continuait. « Mes employés ont toute ma confiance. Ils sont triés sur le volet parmi les meilleurs et soumis à des tests d'éthique très poussés. Je doute que deux d'entre eux puissent avoir commis un quelconque acte illicite. » Elle s'arrêta de tapoter et plongea ses yeux dans ceux de Shizuru. « J'espère, et je crois de tout coeur, que toute cette folie n'est qu'une erreur. »

Elle reprit ses recherches pendant que les deux détectives méditaient ses paroles. Shizuru, même si elle ne l'aurait montré pour rien au monde, était impressionnée par la façon dont Tomoe Marguerite avait pris la défense de ses employés. Sa réputation lui faisait vraiment honneur. Ce qu'elle venait de faire, c'était affirmer qu'elle était prête à défendre les deux scientifiques de façon inconditionnelle. Et pour faire cela devant deux détectives visiblement présentes pour arrêter les deux femmes en questions, il fallait du cran. La suspicion se mua en respect. Et puis quelque chose la frappa. Tomoe Marguerite cherchait ce que faisaient les deux scientifiques? N'avait-elle vraiment aucune idée de leurs activités?

« Nina Wang et Irina Woods sont deux généticiennes », commença la directrice en regardant sur son écran avant de le tourner vers Shizuru et Nao sans se douter que ses paroles les avaient alarmées. « Elles travaillent sur la formation de la peau sur les corps des androïdes domestiques. Ce sont des éléments importants. » constata-t-elle avec simplicité.

Shizuru tenta de ne pas laisser apparaître sa suspicion. De toute évidence, soit la présidente n'avait aucune idée de ce qui se passait entre ses murs, soit elle faisait très bien semblant.

« Est-ce que vous pouvez les appeler ici, s'il vous plaît, nous avons quelques questions à leur poser. »

Tomoe Marguerite plissa les yeux. « Je demande à savoir pourquoi. » Shizuru soupira. « Marguerite-san, nous ne pouvons pas- »

« -non, vous ne comprenez pas, Fujino-san. Ce sont mes employées. Je refuse de les jeter dans la cage aux fauves sans avoir au moins une vague idée de ce qui leur est reproché. »

« Nina Wang et Irina Woods sont soupçonnée de procéder à des manipulations génétiques sur des êtres humains. » lâcha Nao d'une traite, incapable de se retenir plus longtemps.

L'horreur incrédule se peignit sur le visage de Tomoe Marguerite qui en oublia de tapoter sur son bureau. Pendant un instant, elle posa un regard perdu sur la brune avant de se lever si brusquement que son fauteuil manqua de se renverser.

« Comment osez-vous?! » C'était un murmure dangereusement bas. « Depuis que je suis arrivée à la tête de cette fondation, j'ai passé mon temps, tout mon temps, à faire en sorte de faire de cette organisation une organisation respectable. J'ai licencié des dizaines d'employés, j'ai brûlé des montagnes de documents, j'ai détruit des laboratoires entiers! » La tirade qui au début n'avait été qu'un murmure dangereux se muait peu à peu en cri de rage. « Comment osez-vous prétendre que de telles choses... que de telles choses... » Elle baisser la tête et serra la mâchoire. « Vous n'avez aucune idée de... de tous les efforts que nous avons accompli pour en arriver là. Vous ne pouvez pas tout détruire juste en- »

« Marguerite-san, nous- »

« Sortez de mon bureau. »

Shizuru sursauta légèrement à l'attente du sifflement dangereux qui sortait de la bouche de la présidente. Mais elle ne pouvait pas lui obéir. Elle se leva pour lui faire face. « Écoutez, ce n'est pas vous que nous accusons, mais réfléchissez un instant- »

« J'ai dit SORTEZ! »

« Qui vous dit que vos employés n'ont pas agi derrière vous? Réfléchissez, Tomoe-san! Vous ne saviez même pas quelles étaient leurs activités avant de regarder sur votre ordinateur! » Au fur et à mesure qu'elle parlait, elle vit la rage habitant le corps de son interlocutrice s'évaporer peu à peu pour laisser place au doute puis à la panique.

« C'est ridicule, je l'aurai forcément su, je- »

« Vous l'avez-dit vous même. Vous faites confiance à vos employés. Qui vous dit qu'ils n'en ont pas profité pour détourner une partie de leurs recherches? Tomoe-san, ce sont des généticiennes... »

Le silence retomba dans la salle lumineuse et pendant un moment Tomoe Marguerite garda ses yeux plongés dans ceux de Shizuru comme pour essayer d'y percevoir un mensonge. Avec un soupir à fendre l'âme, elle sembla se résigner et se laissa tomber dans son fauteuil en se massant les tempes. Shizuru se rassit également.

Elle avait gagné la partie.

« Elles s'appellent Lilie Aldean et Yayoi Alter. » Elle sourit tristement, complètement défaite. « Faites votre travail, Fujino-san. »
__________
En principe, le prochain chapitre devrait être consacré à Shizuru et Natsuki, si tout se passe comme prévu. Voilà, j'espère que ça vous a plu!
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Nightmare
Otome Corail


Inscrit le: 31 Mar 2009
Messages: 119
Localisation: Kyoto, dans la chambre de Shizuru

MessagePosté le: Sam Avr 04, 2009 11:33 am    Sujet du message: Répondre en citant

*___* trooooop bien *___* la suite la suite la suite !! Very Happy
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solene
Otome Corail


Inscrit le: 16 Nov 2008
Messages: 238
Localisation: Villejuif

MessagePosté le: Sam Avr 04, 2009 8:46 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Waouh Shocked ouh ouh Surprised yeah yeah Very Happy youpi Smile !
Trop bien mais je veux la suite !
Continue j'adore ta façon d'écrire des fics, ne laisse surtout pas tomber maintenant que tu à fais l'annonce d'un chapitre consacré au couple Shizuru/Natsuki !

_________________
Natsuki et Shizuru !
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Miyaki
Trias


Inscrit le: 08 Fév 2006
Messages: 691

MessagePosté le: Lun Avr 06, 2009 7:54 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Fichtre.
Le moins qu'on puisse dire c'est que ça fait rudement plaisir de tomber sur une fic pareille en rentrant de vacances ! on se croirait le matin de Noël, avec les cadeaux au pied du sapin Laughing

Déjà, un très grand bravo pour ton style ! le texte est nickel, le vocabulaire est riche, les mots tombent justes et on a pas la moindre lourdeur, tant sur la forme que dans les idées. Loin de moi l'idée de me la jouer critique littéraire, hein, mais c'est le gout que ça me laisse dans la bouche et je bois du ptit lait, là.

J'adore tes persos, la façon dont tu les décris et tout ce que tu arrives à inspirer en quelques mots bien placés...bonheur.
(Nao, particulièrement...j'adore nos deux autres héroïnes préférées mais le rôle que tu lui donne dans cette fic lui va comme un gant *_*)
Pis y en a pour tous les gouts: aventure, action, enquête, magouille, romance...que demander de plus ? à part la suite, bien sur ? Laughing

Vraiment chouette ! lol, tu viens de gagner une lectrice fidèle et ravie de plus, là ^^

_________________
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