Posté le: Dim Oct 18, 2009 10:19 pm Sujet du message:
Bonjour à tous, chers lecteurs !
La rentrée m'a bien occupée ces derniers temps mais je suis tout de même parvenue à tenir à peu près mes délais...
Je profite de ces notes pour préciser quelques petites choses, concernant le temps qui s'est écoulée entre le départ de Shizuru pour Kyoto et ses retrouvailles avec Natsuki: Au Japon, la rentrée des classes à lieux entre fin Avril et début Mai. Le chapitre actuel se déroule grosso-modo en plein mois de novembre, il s'est donc écoulé six à sept mois pendant leurs séparations.
De même, voici quelques aides concernant le vocabulaire utilisé dans ce chapitre. Il n'y a qu'un seul nouveau mot à ajouter dans le lexique de ce chapitre, mais je saisis l'occasion pour rappeler des plus anciens:
Aizukotetsu-kai : La 6e organisation yakuza du Japon, basée à Kyoto. Son nom vient de Aizu, la région, « Kotetsu » qui est un type d’épée japonaise, et enfin « -kai », un suffixe qui signifie « société ». Cette organisation regroupe une centaine de clans (dont le Fujino-kai qui est évidement fictif) pour un effectif estimé à 4500 personnes.
Baito : ce terme est utilisé par les étudiants pour désigner les petits boulots réalisés après les cours, pendant les week-ends ou les jours fériés au Japon.
Honke/Bunke : Désigne respectivement les branches principales et secondaires d’une famille. On peut y voir une sorte de hiérarchie. Ces termes sont nettement moins d’actualité de nos jours.
Kyodai/Shatei : Kyodai signifie « grand frère ». Sorte de lieutenant dans la hiérarchie des yakuza, ils constituent un rang intermédiaire avec les échelons inférieurs (constitués par les Shateï, « petits frères »).
Katagari: Désigne une personne qui n'est pas un yakuza.
Yamaguchi-yumi : La première organisation Yakuza du Japon, basée à Kobe.
Mes excuses enfin, sur la taille de ce chapitre qui est relativement court comparé au précédent, je tâcherai de me rattraper sur le suivant. Encore merci à Briseglace pour prendre à chaque fois le temps de débarrasser ce texte des fautes que je sème de temps à autre...Bonne lecture !
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Un étrange mélange d’odeur fauve et de javel flottait dans l’air aseptisé de sa cellule et mais après tant de jours passés ici, la petite fille n’y prêtait plus attention. Tout était si blanc, si aveuglant. Le sol, les murs, le plafond…sa cellule était désespérément vide et unie. Les lumières pâles des néons s’y réverbéraient et nimbaient la pièce d’un éclat scintillant. On n’éteignait jamais, ici. Alyssa avait depuis longtemps perdu toute notion de temps et la lumière finirait par la rendre folle.
À moins qu’elle ne périsse livrée en pâture à une des créatures qui partageaient cet immense hangar avec elle, ou à cause d’un yakuza impatient à la gâchette facile.
Alyssa ne quittait pas des yeux l’orphan qui lui faisait face. D’énormes barreaux les séparaient, ainsi que plusieurs épaisseurs de verre blindé, mais la petite fille savait que, s’il en avait eu la possibilité, il aurait pu traverser tout ceci comme des feuilles de papier.
Elle se souvenait parfaitement de lui et l’avait surnommé Cauchemar. Alyssa l’avait invoqué alors que l’étrange étoile de HiME portait ses pouvoirs à leur apogée. C’était une créature terrifiante, incroyablement puissante. La fillette l’avait réalisé à l’instant où il s'était matérialisé. Elle avait failli mourir, ce jour-là. Dans un réflexe désespéré, elle l’avait scellé, marquant son essence pour qu’il ne puisse pas tuer un homme et consumant du même coup toutes ses capacités à invoquer des orphans.
Cauchemar l’ignorait superbement. Lui aussi ne l’avait sûrement pas oubliée. La petite fille reporta son attention sur les autres monstres qui l’entouraient, chacun confiné dans une cage. Durant les années qu’elle avait passé dans les laboratoires de la Searrs, Alyssa en avait invoqué des centaines, chaque fois plus puissants et plus impressionnants. Aujourd’hui, elle doutait de pouvoir en contrôler ne serait-ce que la moitié. On lui avait expliqué ce que l’on attendait d’elle : « Dresse ces créatures pour nous, et si tu y arrives on te laissera en vie ». Mais bien sûr. Comme si Alyssa pouvait laisser des fous dangereux s’amuser avec des monstres pareils, domptés par ses soins. La petite fille essayait de gagner du temps : Elle avait rendu docile le plus faible du lot et prenait tout son temps avec les suivants. Natsuki était en vie, elle y croyait dur comme fer. Et sa sœur ne tarderait sûrement pas à la sauver.
Alyssa sentit le poids d’un regard sur elle et tressaillit lorsqu’elle réalisa que les yeux dorés de Cauchemar s’étaient rivés sur elle. Elle déglutit péniblement et tendit son pouvoir, effrayée. La présence de la créature la submergea comme une lame de fond.
- Qu’avons-nous là ?
La voix résonnait dans sa tête, indifférente, presque amusée. Cauchemar s’insinua dans ses pensées et s’y attarda un instant, comme pour profiter de la terreur de la petite fille. L’orphan se glissa le long de ses veines. Pétrifiée, Alyssa sentit comme un poison glacial se mêler à son sang alors que l’essence de la créature s’infiltrait dans son corps. Incapable d’esquisser le moindre geste, Alyssa était à sa merci.
- Tss…si fragile…finalement, le corps humain est moins compliqué que je ne l’aurais cru.
Quelque chose lui comprima la poitrine et elle crût qu’il allait lui broyer le cœur.
- Oh, pardon, s’excusa une voix moqueuse.
Cauchemar se retira et Alyssa se retrouva entraînée avec lui, aspiréepar un tsunami de puissance et de volonté contre lequel elle était aussi démunie qu’un insecte. La petite fille se débattit dans des méandres de pouvoir qui étaient plus tumultueux qu’un torrent alors que la créature menaçait de l’arracher de son propre corps et l’engloutir dans son essence.
L’orphan brisa son influence et Alyssa se retrouva seule, l’esprit vidé. Elle ne se souvenait pas s’être effondrée. La fillette recula précipitamment, haletante. Devant elle, Cauchemar la regardait encore et elle aurait parié voir une lueur d’amusement jouer dans ses yeux d’or. Il n’aurait pas pu la tuer, se raisonna Alyssa. Elle l’avait marqué. Il voulait juste l’effrayer.
- Libère-moi, et on se fera la malle tous les deux, chuchota une voix dans sa tête.
Alyssa sursauta. Elle n’avait même pas senti Cauchemar s’introduire de nouveau dans ses pensées.
- C’est ça ouais, maugréa-t-elle en retenant un frisson.
L’Orphan bâilla l’air de rien, découvrant des mâchoires aussi larges qu’un coffre de voiture et des crocs plus gros que sa main. Alyssa remonta ses genoux contre sa poitrine en espérant ne pas paraître aussi terrifiée qu’elle ne l’était. Cauchemar se redressa et les contours de sa silhouette ondulèrent comme ceux d’un mirage. Son corps se déforma jusqu’à prendre l’apparence d’une énorme panthère à l’endroit où se trouvait une créature aberrante un clignement d’yeux plus tôt. Il s’ébroua et s’amusa à changer de forme une fois de plus.
- Frimeur, marmonna Alyssa pour se donner un peu d’aplomb.
Natsuki, où es-tu ?
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C’était presque devenu un rituel. À chaque fin d’après-midi, Shizuru retrouvait Natsuki qui l’attendait, postée près des marches menant à l’Université. Certains soirs, elles ne se voyaient que quelques minutes avant que Shizuru ne s’enferme dans sa chambre pour s’atteler à la montagne de travail qui l’y attendait et qui semblait ne jamais vouloir décroître. Parfois, elles marchaient ensemble jusqu’à l’appartement et y restaient jusqu’à tard le soir. Shizuru prétextait rentrer sur le campus et rejoignait alors une des réunions nocturnes du Fujino-kai, dans son monde de violence noir et gris, peuplé de yakuza en costume. Natsuki, poussée par un espoir insensé, partait se perdre dans des bars enfumés coincés dans les ruelles des quartiers malfamés de Kyoto, en quête d’informateurs. Ses blessures guérissaient vite mais pas assez pour lui permettre de tenter une opération en force. L’inaction la rongeait.
Les jours s’écoulaient et semblaient emporter dans leur fuite toute la confiance qu’avait pu rassembler la solitaire. Des cernes étaient apparues sous ses yeux voilés par les tourments et Shizuru voyait le découragement obscurcir chaque jour un peu plus le visage de son amie. Natsuki voulait y croire et s’accrochait à cette pensée folle qu’un mandat serait délivré pour qu’une enquête soit menée. Chaque heure privée de nouvelles sapait un peu plus ses forces et, lorsque Shizuru la quittait, sa silhouette voutée par l’angoisse semblait aussi fragile qu’un château de cartes.
Paradoxalement, la solitaire parlait bien plus qu’elle ne l’avait fait jusqu’alors. Leurs discussions du soir ne portaient pas toujours sur Alyssa : Natsuki n’aurait pas supporté d’examiner des impasses en sa compagnie pendant des heures alors qu’elle passait ses journées à ressasser une situation qui restait désespérément au point mort.
- Au fait, Shizuru, comment ça se fait qu’il n’y ait personne d’autre dans cet appartement ? Il est assez grand pour héberger une famille au complet !
- Il appartenait à mon grand-père. Il est mort peu après la rentrée et je l’ai reçu en héritage.
Natsuki écarquilla les yeux.
- Désolée, bégaya-t-elle, très vite. Je ne savais pas.
- Ne t’en fais pas pour ça. Je le connaissais très peu. Les rares fois où nous nous sommes parlé, nous n’étions pas en très bon terme, expliqua-t-elle. Ça faisait au moins cinq ans qu’on ne s’était pas adressé la parole.
- Oh, je vois. Et…ta mère n’est pas à Kyoto, en ce moment ? Je pensai que tu rentrerais chez toi, pour les week-ends.
Shizuru soupira et quelque chose dans son expression avertit Natsuki qu’elle n’avait probablement pas posé la question la plus facile.
- Ma mère est à l’hôpital, avoua Shizuru avec un sourire désolé.
Devant elle, Natsuki se recroquevilla, mortifiée, et son regard se vissa sur le sol avec une expression coupable.
- C’est grave ? demanda-t-elle d’une petite voix.
Shizuru secoua lentement la tête. Natsuki la regardait avec autant de remords que si elle était responsable de l’état d’Izuko.
- Plus maintenant, je suppose. C’est comme ça, depuis ma naissance.
Shizuru se tut. Après tant d’années, elle pensait qu’elle aurait pu expliquer plus en détail la situation de sa mère mais les mots se dérobaient dès qu’elle essayait de former une phrase, tel de l’eau entre ses doigts.
Natsuki approuva très vite. L’espace d’un battement de cil, une infinie tristesse s’était reflétée dans l’expression de Shizuru.
- Ce n’est pas une question de confiance…
- Arrête, tu n’as pas à te justifier, l’interrompit Natsuki. Plus de questions pour ce soir, promis.
Après quelques tentatives, la discussion reprit sur un sujet plus léger. Natsuki surveillait Shizuru du coin de l’œil. Pendant ses jours de convalescence, elle avait eu tout le temps d’observer le comportement de son amie. Comme autrefois, son maintien et ses expressions irradiaient la maîtrise de soi et l’enveloppaient d’un halo de confiance sereine et imperturbable. Mais aujourd’hui, Natsuki avait senti cette aura frémir comme la flamme d’une chandelle.
Leur relation s’était considérablement améliorée en l’espace de quelques jours et Shizuru lui offrait de temps à autre ces légers sourires qu’elle n’esquissait que pour elle, alors que la folie du Festival n’était encore qu’un embryon de cauchemar. Du baume sur son cœur, et Natsuki chérissait le moindre d’entre eux, avec l’intensité de ceux qui redécouvrent ce qu’ils ont cru perdre à jamais.
Pourtant, c’était comme si une part de Shizuru avait disparu pendant ces longs mois d’absence. Comme si on l’avait dépouillée de l’insouciance tranquille qui teintait la moindre de ses tirades, quand elle taquinait Natsuki et que ses yeux carmin pétillaient d’amusement lorsqu’elle parvenait à la faire tourner en bourrique.
Quelque chose clochait. Il était encore bien trop tôt pour que Shizuru se permette toutes les familiarités d’autrefois, à supposer qu’elle en ait toujours envie. Natsuki en était consciente. Pourtant, cela n’expliquait pas que toute sa nonchalance se soit volatilisée aussi brutalement. La solitaire se demanda si Shizuru était tout à fait honnête lorsqu’elle lui avait dit que la mort de son grand-père ne l’avait pas affectée. Ou alors s’était-il passé d’autres évènements, à Kyoto ?
Natsuki fronça les sourcils. Quelque chose lui soufflait que Shizuru ne lui confiait pas toute la vérité.
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- La demande de mandat a échoué.
Shizuru ferma les yeux un instant, comme pour mieux absorber la nouvelle. Des mois passés au Fujino-kai l’avaient forcé à développer un tel scepticisme qu’elle n’était même pas étonnée. Seul l’espoir de Natsuki l’avait empêchée de considérer plus tôt que cette piste était morte.
- Je suis désolé, Fujino. Ces types ont le bras long. On ne pourra tenter aucune recherche officielle.
- C’était inévitable, je suppose, soupira Shizuru.
Natsuki allait être effondrée. Nagoshi en profita pour changer de sujet :
- J’ai reçu vos infos sur Takamura, le type qui était impliqué dans le trafic d’Orphans. Nos gars sont sur le coup, avec un peu de chance, on pourra l’intercepter et…
Shizuru l’écoutait à peine. La seule chose qu’elle avait en tête était cette petite fille laissée aux mains d’une bande de fous furieux et sa grande sœur qui dépérissait à vue d’œil.
Voir Natsuki dans cet état l’affectait chaque un instant un peu plus et transformait l’armure qu’elle avait forgée autour de ses sentiments en une carapace de sable prête à tomber en poussière au moindre coup de vent. Quelques instants passés avec Natsuki avaient suffi à réduire à néant des murs bâtis par des mois de rancœur. Shizuru avait honteusement conscience de sa faiblesse, mais refusait d’y réfléchir d’avantage. Ce n’était pas le moment. La jeune femme raccrocha au nez de Nagoshi sans plus de cérémonie et composa le numéro de Kohei. Le jeune Shatei était devenu par la force des choses son second au sein de la hiérarchie du clan, lorsque Shizuru devait superviser certaines actions pour le groupe. Il y avait déjà quelques espions qui avaient infiltré Asward et envoyaient des comptes rendus réguliers mais elle avait depuis pris la tête des opérations en temps que Kyodai et multiplié les informateurs : si jamais la demande de mandat n’aboutissait pas, elle voulait vérifier par ses propres moyens ce qui se passait dans leur locaux, heure par heure. Corruption, chantage, tout était bon pour en savoir un peu plus.
- Est-ce que tu as des nouvelles de nos équipes de recherche ? demanda-t-elle au jeune yakuza.
- Oui. Il n’y a rien, tous leurs labos sont en règle. Pas de bestiole étrange, ni d'expérience louche.
- Ils ont sûrement des installations non-déclarées, insista-t-elle. Ce sont elles qu’il faut que l’on découvre.
- On a retrouvé des traces d’une ancienne base de recherche aux États-Unis, mais il n’y a plus rien là-bas, l’endroit est désert.
- Je pense que ce n’est pas la peine de chercher si loin, ils sont surement installés au Japon sinon ils ne se seraient pas amusés à livrer des Orphans en partance d’Osaka.
- Nos gars sont sur l’affaire mais nos informateurs ne peuvent pas avoir accès aux données top-secrètes, ça fait des semaines qu’on est bloqué de ce côté. à moins d’être un ponte du groupe, ou un flic bardé de mandats, on n’arrivera à rien.
- Alors essaie de voir si un de leur dirigeant pourrait se laisser corrompre, ou s’il a des habitudes que l’on pourrait utiliser contre lui pour le faire chanter. Il doit bien en avoir un dans le lot qui a une maîtresse ou qui fait du détournement de fond…
Elle parlait comme un yakuza chevronné, désormais.
- Et transmets-moi la liste de tous ces gens, s’il te plait. Peut-être que je peux arriver à quelque chose de mon côté.
Nagoshi et les fichiers de la police pourraient peut-être lui donner des informations sur eux, si jamais les informateurs du Fujino-kai rentraient bredouilles.
- Très bien, je m’en occupe. Il reste des fichiers cryptés dans le CD que tu m’as donné l’autre jour. Je travaille dessus, avec un peu de chance ils contiennent des infos sur ce que l’on cherche.
- Merci de ton aide.
Shizuru raccrocha avec un soupir défait. Elle n’avait plus qu’à annoncer la mauvaise nouvelle à Natsuki, songea-t-elle en attrapant sa veste.
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- Les salauds ! C’est pas possible, comment ils ont pu faire ça ?
- Natsuki, je…
- Une gamine, une pauvre gamine, retenue par une bande de cinglés et personne n’en a rien à foutre ! rugit-elle. Qu’est-ce que ça coûte aux flics d’en avoir le cœur net, hein ? Ces enfoirés, tous corrompus jusqu’à l’os ! Les salauds ! Quinze jours pour prendre une décision pareille, ils se foutent de qui ?
Sa paume s’abattit avec violence sur le mur, avec toute sa force de HiME, et le plâtre se fendilla à l’endroit de l’impact.
- Et merde !
Natsuki lui tournait le dos mais Shizuru devinait ses muscles tendus sous la fureur, dans la courbure de ses épaules et la façon dont elle se tenait. Ses poings étaient serrés, frémissants de rage comme si elle se retenait de réduire en miette la première chose qui lui passerait sous la main.
- Ils comptent faire quoi ? Attendre gentiment qu’on découvre un jour son corps au fond d’un fossé ? Les enfoirés !
Elle se tourna vers Shizuru, comme pour la prendre à témoin. Ses yeux verts étincelaient et ses traits s’étaient plissés en un masque de colère féroce. En quelques enjambées, elle parcourut le salon d’un bout à l’autre comme un fauve en cage avant de se laisser tomber sur le canapé.
- Merde…
Elle jura de nouveau dans un souffle et passa une main fébrile sur son visage.
- C’est dégueulasse, murmura-t-elle, écœurée. Ce n’est qu’une gosse…
Sa fureur s’était éteinte aussi brutalement qu’elle était apparue et plus rien ne masquait le ton plaintif qui perçait douloureusement dans ses mots. La déception qui voilait son regard était d’une amertume mordante et désespérée. Shizuru s’avança vers elle mais la solitaire se leva, les épaules voutées, sans prendre la peine de ramener en arrière les longues mèches d’ébènes qui venaient masquer son visage.
- Je vais faire un tour. Je…je reviens, laisse-moi quelques heures.
Shizuru hocha lentement la tête et ne chercha pas à la retenir.
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La nuit tombait lorsque Natsuki regagna l’appartement. Dehors, le vent s’était levé et des trombes d’eau s’abattaient sans merci sur la ville, plongeant Kyoto dans un crépuscule liquide et gris où les premières lueurs des lampadaires s’allumaient comme des feux-follets. Shizuru était au téléphone avec Kohei et étudiait le passé d’un membre du conseil d’administration d’une entreprise liée à Asward. Elle raccrocha en voyant la solitaire apparaître dans l’encadrement de la porte, trempée de la tête au pied. Natsuki s’ébroua et fit son entrée sans paraître le moins du monde incommodée par les gouttelettes d’eau qui dévalaient son visage humide.
Elle adressa un salut à Shizuru et cette dernière haussa un sourcil. Le visage fermé, Natsuki se tenait devant elle avec un aplomb qu’elle ne lui avait pas vu depuis la Guerre des Himes. La dernière fois que ses yeux verts avaient eu un tel éclat, c’était juste avant qu’elles ne s’affrontent à Fuuka. Tout dans l’attitude de sa chère solitaire était la manifestation d’une détermination sans faille. Comme si la pluie avait lavé le découragement qui l’avait frappé. Natsuki avait une force morale hors du commun, Shizuru le savait. La jeune femme n’était pas du genre à s’apitoyer sur son sort indéfiniment. C’était toujours lorsque la situation paraissait la plus sombre qu’elle parvenait à se reprendre en main, elle l’avait prouvé à plusieurs reprises.
- J’ai décidé de considérer une autre piste, commença Natsuki, sans préambule. Laissons tomber les flics, je me demande encore comment j’ai été assez stupide pour croire qu’ils allaient nous trouver une solution miracle après tout ce temps. Il y a des yakuza planqués partout chez Asward, des types avec suffisamment d’influence pour se mettre la police dans la poche.
- Il y a effectivement beaucoup de chances qu’ils y soient pour quelque chose, concéda Shizuru qui n’aimait pas le tournant que prenait la discussion.
- Il faut qu’on passe par eux.
- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
- Est-ce que le clan de ta famille pourrait m’aider ? insista Natsuki, inflexible.
Danger.
Évidemment. La solitaire n’était pas stupide et elle avait passé suffisamment de temps à se familiariser avec les quartiers mal famés de Kyoto pour avoir une idée des principales organisations criminelles qui y sévissaient. Il y avait probablement plusieurs familles portant le nom de Fujino en ville, mais il suffisait de demander aux bonnes personnes pour savoir que le Kumicho du clan s’appelait Kenjiro Fujino. Qui n’était autre que son cousin.
Shizuru ne songea même pas à nier ou à lui demander d’où elle tenait son information.
- Non. N’y pense même pas.
- Pourtant, tu t’entends bien avec ton cousin et…
- Je lui ai déjà demandé son aide, inventa Shizuru pour gagner du temps. S’il a le moindre indice, il nous préviendra, je te le promets.
- Peut-être que si je peux rencontrer certains yakuza, on pourra arriver plus vite à un résultat.
Shizuru se leva. Devant elle, Natsuki la regardait comme pour la mettre au défi de la contredire. La solitaire revint à l’assaut :
- Pourquoi est-ce que tu ne m’as jamais parlé de ça ?
- Pour tout un tas de raisons, dont certaines ne regardent que moi. Et c’est une facette de ma famille dont je ne tire aucune fierté, bien au contraire.
- Shizuru…
- C’est un monde qui n’est pas le tien. Jamais ils ne t’aideront, ils se fichent de cette histoire. Tu n’es rien pour eux. C’est un univers extrêmement compliqué dans lequel tu n’as aucune influence. Ne t’approche pas d’eux, ce ne sont pas des gens à qui on peut se fier, s’il te plaît.
Shizuru ne pouvait pas laisser Natsuki envisager de telles options. Elle, si belle, si libre, dans un univers aussi abject…elle ressentit un élan de panique à cette idée.
- Et si ça vaut le coup ? rétorqua Natsuki en levant le menton. Shizuru, tu n’es pas ma mère et…
Shizuru l’interrompit, glaciale.
- Il y a vingt ans, on a enlevé ma mère parce qu’elle était la fille du Kumicho du Fujino-kai. Des yakuza l’ont livré à la pègre américaine, en représailles parce que le clan boycottait des offres du marché noir américain. On l’a détenue pendant des semaines et…elle était enceinte lorsqu’on l’a retrouvée. Elle a caché sa grossesse jusqu’au dernier moment tellement elle avait honte ! Elle a tenté de se suicider, quelques jours avant l’accouchement et on m’a sauvé de justesse. Depuis, ma mère est à l’hôpital psychiatrique avec des séquelles à vie.
Natsuki s’était tue, sidérée.
- Mon oncle a traqué les responsables pendant des années…pour cette chose absurde qu’ils appellent l’honneur du clan. Il a abattu le violeur lui-même, dans un bar. La police l’a arrêté et il a été exécuté. L’honneur était sauf, murmura-t-elle avec dédain, la gorge nouée par la tristesse et le dégout.
Et je suis une paria, le rappel vivant de ce qui s’est produit, acheva-t-elle mentalement. Elle savait que la peine qui s’inscrivait sur ses traits était indescriptible, mais ça n’avait plus aucune importance. Quel gigantesque gâchis…
La solitaire avait pâli violemment à ces mots.
- Shizuru je… elle s’interrompit, incapable de dissimuler son horreur et regrettant honteusement sa dernière tirade.
C’est…terrible. Je ne sais pas quoi dire. Je suis désolée.
- C’est du passé, j’ai mis tout cela derrière moi. J’ai eu la chance de tomber sur les bonnes personnes.
Shizuru tâcha de reprendre le contrôle de sa respiration qui s’était affolée.
La première phrase n’était pas totalement vraie, mais elle savait avec une terrible certitude qu’elle n’aurait jamais réussi à supporter le fardeau d’une telle culpabilité pendant toutes ces années sans le soutien infaillible de Nakajima et la présence de Kenjiro qui l’avait défendue bec et ongles face au mépris de son grand-père et du clan tout entier.
- C’est un monde affreux. Reste en dehors de tout ça, je t’en supplie. Tu n’obtiendras rien d’eux parce que tu n’es qu’une katagari et il pourrait t’arriver la même chose, Natsuki, la même chose…
L’espace d’un instant, Natsuki vit un réel effroi traverser son regard et elle réalisa que l’idée qu’elle subisse le même sort que sa mère terrorisait la jeune femme.
- Je…je ne peux pas rester en dehors de tout ça Shizuru, commença-t-elle en choisissant ses mots avec précaution. Ce sont des types de ce genre qui détiennent Alyssa…partie comme sont les choses, je vais devoir les affronter, un jour.
Devant elle, Shizuru hocha sombrement la tête.
-C’était…une idée stupide de ma part. Je n’essaierai pas de les contacter directement. Ni eux, ni le clan de ta famille. Je n’oublierai pas ce que tu m’as dit.
Comment aurait-elle pu ? Le choc qu’elle avait ressenti avait gravé les confessions de son amie dans sa mémoire et hanterait ses pensées pendant des jours. Natsuki s’approcha lentement d’elle. Les yeux de Shizuru balayèrent frénétiquement la pièce et elle finit par détourner le regard, comme si elle avait honte.
- Hey…
Elle posa une main sur son épaule en espérant lui faire lever les yeux mais Shizuru s’écarta et lui tourna le dos.
- Tu n’y es pour rien dans tout ça, je ne sais pas ce que ta famille t’as raconté, mais tu n’as aucun reproche à te faire, aucun.
- Je sais.
- Si c’est à cause de ça que tu n’as jamais été en bon terme avec ton grand-père, permets-moi de te dire que c’est un imbécile.
- Ça n’a plus d’importance, il est mort. Et les yakuza ne sont pas réputés pour leur ouverture d’esprit, tu sais ? Une femme, une enfant non-désirée et métisse ! J’aurais difficilement pu faire pire, quoique…
Elle eut un rire nerveux.
- Je n’ose même pas imaginer ce que ça serait s’ils savaient en prime que je suis homosexuelle.
C’était la première fois qu’elle énonçait ce fait à voix haute. Le mot était étrange, trop long, avec une sonorité qu’elle jugea désagréable. Bah, elle n’était plus à une révélation près ce soir, et de toute façon c’était loin d’être un secret pour Natsuki, songea-t-elle avec ironie. Contre toute attente, elle sentit les bras de la solitaire se refermer autour d’elle et l’humidité de ses habits trempés par la pluie traversa ses vêtements lorsque son amie la tira contre elle. Shizuru cligna des yeux, abasourdie.
- Je me demande comment je dois le prendre, après ma dernière tirade, fit-elle remarquer, mine de rien.
Il y a quelques mois, Natsuki l’aurait lâchée sur le champ en rougissant comme une pivoine. Elle sentit la surprise de la solitaire lorsque celle-ci retint son souffle un instant de trop, avant que Natsuki n’éclate de rire.
Un rire joyeux qui lava d’un coup toute la tension qui régnait dans la pièce et qui résonna en écho dans son corps tant elles étaient proches.
- Tu ne devrais pas te définir ainsi, Shizuru. Tu es bien plus que ça, après tout. Et s’ils ne l’ont pas compris, ce sont vraiment des idiots.
L’espace d’un instant, toute la tendresse qu’elle ressentait autrefois pour Natsuki refit surface. Sans réserve ni culpabilité.
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- Ce sera vite fait, je t’assure. Deux ou trois jours, tout au plus. De toute façon, tu es en vacances dès demain, non ?
- Oui, mais pour être honnête, j’espérais en profiter pour rattraper le retard que j’ai à l’Université. Je n’ai pas envie de quitter Kyoto, en ce moment.
Pas tant qu’il n’y avait pas l’ombre d’une piste qui aurait pu indiquer où était détenue Alyssa.
- J’ai beau être Kumicho, la fortune du groupe c’est toi ! Et crois-moi, quand on vient vérifier l’état d’une alliance avec un autre clan, plus on a un portefeuille garni, mieux ça se passe. Surtout si on négocie avec le Yamaguchi-gumi. Ces types sont de vrais requins.
- Je ne suis pas la fortune du groupe. L’héritage de grand-père est gelé jusqu’à ce que tu puisses y avoir accès, après tout.
- Mais tu es de la Honke, et donc la première sur la liste. Pour l’instant.
- Tu es obligé d’y aller ? demanda-t-elle, boudeuse.
Kenjiro arqua un sourcil et lui adressa un coup d’œil sceptique.
- Ne fais pas comme si tu étais étonnée, Hime-chan. Le Fujino-kai est l’un des clans les plus anciens de l’Aizukotetsu-kai. La question ne se pose même pas.
- Kenji, soyons honnête, je ne servirai à rien là-bas. Personne ne me connaît.
- Ma chère cousine, tu serais étonnée du nombre de légendes urbaines qui commencent à fleurir à ton sujet.
Shizuru se retint de lever les yeux au ciel, atterrée.
- Tu m’en vois ravie.
- S’il te plaît, Shizuru. Je n’ai pas envie de te laisser seule à Kyoto.
La jeune femme plissa les lèvres, agacée. Elle connaissait parfaitement son cousin et l’entêtement dont il pouvait faire preuve. Le dissuader de l’amener à Kobe lui prendrait autant de temps que de faire le déplacement. S’ils avaient bien une chose en commun, c’était la persévérance hors-norme qu’ils pouvaient déployer quand ils avaient une idée en tête.
- Quarante-huit heures, pas plus.
Kenjiro se fendit d’un large sourire.
- Merci, je te revaudrai ça.
- J’y compte bien.
Son cousin secoua la tête, amusé, avant de touiller son café d’un air contrarié.
- Cette histoire devient complètement folle. Ça fait longtemps que j’aurais dû être désigné comme héritier principal. Tu aurais déjà dû quitter le Fujino-kai et reprendre une vie normale. Je ne sais pas ce que fiche l’administration mais ils ne sont pas pressés.
Shizuru ne releva pas. Elle aurait mis sa main à couper que Nagoshi faisait tout de son côté pour retarder toutes les procédures au maximum.
- Prépare tes affaires, on quitte la ville demain à la première heure.
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- Je m’excuse de t’annoncer ça sans prévenir. Avec tout ce qui s’est produit, j’ai complètement oublié que je devais m’absenter à Kobe. Le meeting est prévu depuis longtemps et je n’ai pas vraiment le choix…
- Pas de problème, assura Natsuki. Je suis une grande fille.
- Je reviens dès que possible. Dans deux jours, au plus tard.
- C’est une visite de courtoisie ?
- Pas vraiment, expliqua Shizuru. Les bureaux des élèves de l’université de Kobe et Kyoto sont en partenariat pour beaucoup de projets scientifiques. Je m’y rends avec les autres membres du conseil étudiant, en tant que représentante des élèves de mon année, pour parler de tout ceci en détail.
Ces mensonges lui donnaient envie de vomir. Shizuru avait douloureusement conscience de l’aisance avec laquelle elle pouvait créer de toutes pièces des excuses. Même si cette entorse à la vérité n’était pas la plus grave, la jeune femme avait honte d’exploiter de cette façon la confiance qui s’était progressivement installée entre Natsuki et elle.
- Même ici, tu fais du travail supplémentaire. Honnêtement, je ne sais pas comment tu fais, quand je vois le boulot qu’on vous donne à la fac…
- Crois-moi, c’est juste de l’organisation, la coupa Shizuru.
Mortifiée, elle espéra que la légèreté de son ton masquait suffisamment la gêne qui vint mordre sa conscience. Natsuki hocha simplement la tête, sans s’apercevoir de son trouble.
- Bon courage alors.
Shizuru en profita pour aborder ce qui lui tenait réellement à cœur.
- S’il te plaît, ne tente rien tant que je ne suis pas rentrée. Je sais que tu ne supportes plus d’attendre, et je le comprends tout à fait. Mais à deux, nous serons plus efficaces s’il y a le moindre souci et qu’il faut se battre. On pourra se protéger mutuellement.
Peu importe la façon dont on pouvait décrire sa relation avec Natsuki. La seule chose qu’elle savait était qu’elle ne pourrait pas se sentir tranquille si elle savait que la solitaire comptait se frotter seule aux yakuza.
Natsuki haussa les épaules avec défaitisme.
- Parti comme c’est, j’ai peur de ne pas avoir beaucoup de scoops dans les quarante-huit heures…
Shizuru dut se faire violence pour ne pas insister et obtenir une promesse ferme. Elle n’avait rien à imposer à Natsuki, après tout.
- Préviens-moi s’il se passe quoi que ce soit, dit-elle simplement.
Elle n’aimait décidément pas du tout cette situation.
****************
Natsuki poussa le battant de la porte en frissonnant et accueillit la chaleur régnant dans l’appartement avec un soupir de contentement. Dehors, le vent faisait régner un froid vif et mordant qui annonçait l’hiver. Elle avait passé la journée à errer dans les rues en espérant que le simple fait de marcher pourrait atténuer le sentiment d’inutilité qui l’écrasait. En vain.
Découragée, la solitaire ôta ses chaussures qui atterrirent en vrac dans un coin et partit se réfugier dans la cuisine.
Ses blessures n’étaient plus qu’un mauvais souvenir et Shizuru était absente pour deux jours. C’était l’occasion ou jamais d’agir, médita-t-elle en préparant un sandwich. Pas d’opération de grande envergure. Un peu de repérage peut-être, près d’un des plus grands laboratoires de la société, histoire de s’assurer qu’il ne s’y tramait rien de louche…
Natsuki gagna le salon où Shizuru avait rangé son ordinateur. Son amie l'avait laissé à sa disposition pour qu'elle puisse y rassembler le peu d’informations qu’elle avait glané en parcourant la ville ces derniers jours.
La solitaire eut un instant d’hésitation lorsque le bureau apparut à l’écran. Elle se ravisa et ouvrit un de ses fichiers. Natsuki fit défiler des lignes de textes qu’elle connaissait par cœur et les parcourut du regard sans vraiment les voir.
Elle devait en avoir le cœur net.
N’y tenant plus, la solitaire referma le dossier d’un clic de souris et lança le client de messagerie. Natsuki entra le mot de passe que Shizuru utilisait lorsqu'elle était à Fuuka, à l'époque où elle lui prêtait régulièrement son PC. Il était toujours valide. Quelque chose clochait dans toute cette histoire. Depuis que Shizuru lui avait dévoilé sa situation, la jeune femme avait le désagréable pressentiment que son amie ne lui avait pas tout révélé. Ce n’était qu’un sentiment fugace, une vague impression qui frémissait à la lisière de son esprit et qui ne s’appuyait sur rien de concret. Une intuition. Mais Natsuki Kuga savait que, dans une enquête, son instinct la trompait rarement.
La liste des mails apparut, impeccablement triée et ordonnée. Shizuru classait soigneusement son courrier, nota Natsuki en observant la présence de quelques dossiers. Elle cliqua sur « Baito »…et constata que le travail de son amie n’avait rien à voir avec un petit boulot ordinaire. Absolument rien à voir.
Des relevés de comptes en banque. Des comptes-rendus de réunions. Des CVs d’hommes d’affaires. Des listes de noms et de lieux rédigées dans un jargon incompréhensible d’abréviations et d’initiales…
Les Yakuza.
Natsuki considéra l’écran, atterrée.
- Oh, Shizuru…
Le dernier mail était arrivé une heure avant. Deux lignes de textes expliquaient que le fichier joint venait du CD crypté et donnait les coordonnées GPS d’un bâtiment contrôlé par Asward et qui n’était déclaré dans aucun document officiel. Natsuki prit le temps de copier les fichiers sur une clé USB avec la plupart des mails du dossier et quitta l’appartement sur le champ.
Posté le: Mar Oct 20, 2009 10:05 pm Sujet du message:
*tatatataaaaaaan*
Oui, certes, mais
Spoiler:
Shizuru n'es pas vraiment en position de réclamer un serment, vu le nombre de mensonges qu'elle raconte et l'état de sa relation avec Natsuki (même si ça s'améliore, ça reste chouia tout neuf et fragile). Donc on va dire que même si elle y croit pas trop, elle n'a pas vraiment le choix XD
(et comme ça m'arrange bien, évidement j'en profite).
Si t'as trouvé ce chapitre glauque, tu vas pas être déçue pour le suivant...:/
Posté le: Lun Jan 04, 2010 10:09 pm Sujet du message:
Je doute qu'il y ait encore des lecteurs ici, mais sait-on jamais, pour la blague et pour ceux qui ont la flemme de trainer sur ff.net...^^
Merci à Briseglace qui a eu la gentillesse de relire la première version et de me donner pas mal de pistes pour l’améliorer avant de le poster. Cette version sera, je l’espère, plus réussie ^^
**********************************************
La terre nue était durcie par le froid. Le relief figé du sol lui donnait l’impression d’être allongée sur un tas de glaçons et Natsuki se redressa sur les coudes en espérant trouver une position plus confortable. Autour d’elle, les ombres démesurées de la forêt faisaient régner une pénombre pure et glacée. Le vent s’accrochait comme une traine dans la cime des arbres et seul un bout de ciel étoilé apparaissait parfois entre les aiguilles de pin qui bruissaient par milliers au-dessus de sa tête.
En contrebas, la route était à peine visible. C’était une simple piste sinueuse, une bande de terre un peu plus claire qui serpentait au milieu d’une végétation rase, tyrannisée par l’approche de l’hiver. Le laboratoire se trouvait au bout de ce chemin. Natsuki avait péniblement conduit sa moto aussi loin que l'état de la route le lui permettait avant de se résigner à l'abandonner derrière un taillis à l'abri des regards. Les derniers kilomètres avaient été parcourus au pas de course dans l’obscurité nocturne, aussi vite qu’elle le pouvait sans risquer de se casser une jambe sur le sol gelé. L’informateur de Shizuru avait vu juste et les coordonnées GPS qu’elle avait dérobées à son amie quelques heures plus tôt étaient exactes. Mais le seul accès que Natsuki avait pu localiser était barré par deux énormes portes de métal accrochées à la falaise : Asward avait établi ses quartiers au cœur même de la roche. Depuis, elle guettait. S'il y avait bel et bien un laboratoire en activité ici, il y aurait nécessairement des employés pour s'y rendre. Et il y avait fort à parier que le plus gros du trafic se faisait de nuit.
La solitaire se tendit en entendant le grondement lointain d’un moteur. La lueur jaune des phares se répandit sur la piste, précédant un camion qui se trainait péniblement sur le sol défoncé. Le véhicule passa à sa hauteur et Natsuki sauta sans hésiter.
Elle se réceptionna de justesse sur le conteneur et perdit l’équilibre lorsqu’un cahot plus fort que les autres fit trembler toute la structure. La solitaire resta couchée sur la bâche en plastique en attendant que les battements de son cœur se calment et remercia mentalement le conducteur de rouler à si faible allure.
Natsuki rampa précautionneusement vers l’avant et se laissa glisser entre le conteneur et la cabine. Le camion ralentit davantage pour laisser le temps aux portes de s’ouvrir, et la piste disparut sous un sol de béton lorsque le véhicule s’engouffra dans la falaise. L'instant d'après, les freins crissèrent et le camion s’arrêta avec un chuintement fatigué contre la paroi métallique du hangar.
- Laisse-le là, on déchargera plus tard ! lança une voix à l’autre bout de la salle.
La jeune femme se faufila hors de sa cachette et s’accroupit derrière un pneu en attendant que le conducteur descende, en prenant soin de rester tapie dans l’ombre. Les portes de l'accès principal se refermèrent avec un claquement implacable qui résonna étrangement dans la pièce trop vaste. Prise au piège, chuchota une voix dans son esprit. Natsuki écarta cette idée. Dans ce genre de situation, il fallait garder la tête froide. Tant que personne ne la repérait, elle n'avait pas besoin d'une issue. Immobile, elle prit le temps d'observer soigneusement les lieux et mémoriser le moindre détail. Quelques néons fixés aux murs éclairaient péniblement l’emplacement où elle se trouvait et le reste du hangar se perdait dans une obscurité lugubre. L'endroit était gigantesque et Natsuki se sentait terriblement exposée. Vulnérable. Est-ce qu'Alyssa était entrée par ici, elle aussi ? La fillette avait du être terrorisée...
N'y pense pas !
Trois hommes. Elle devinait les mouvements d'un autre, accroupi à côté d'un treuil, dans la pénombre. Un peu plus loin, on distinguait les formes imposantes et régulières d'une demi-douzaine de caisse et la silhouette compliquée d'une machine de chargement. Elle entendit des bruits de pas qui s'éloignaient mais ne parvint pas à localiser d'où ils provenaient. Elle darda un regard inquiet vers une petite porte de métal à une dizaine de pas d'elle.
Personne ne regardait dans sa direction. Du moins, elle l'espérait. Natsuki quitta la sécurité relative de l'ombre qui l'abritait et avança avec les précautions d'un équilibriste. Pas de gestes brusques. Elle se glissa par un sas ouvert dans le dos du conducteur et du mécanicien et se retrouva dans un long corridor aussi étroit que les coursives d'un bateau et dont la propreté rivalisait avec celle d'un hôpital.
Natsuki connaissait les règles du jeu. Des années à enquêter sur le First District lui avaient appris à être d'une vigilance redoutable et à étouffer son impulsivité lorsqu'elle tentait ce genre d'opération. Elle savait forger sa concentration sans craindre pour sa sécurité et agissait avec la détermination méthodique de ceux qui n'ont plus rien à perdre. Aujourd'hui, les enjeux étaient différents. Aujourd'hui, elle se lançait à l'aveuglette pour sauver la seule famille qui lui restait. La bouche sèche, la jeune femme ne parvenait pas à trouver le sang-froid dont elle avait besoin. L'angoisse la rendait fébrile et l'empêchait de garder les idées claires.
Elle détestait cet endroit, ces couloirs lugubres et aseptisés, cette lumière froide et sans âme qui tombait des néons avec un grésillement entêtant. C'était comme entrer dans une morgue et cette comparaison la révulsa lorsqu'elle imagina que sa sœur avait passé près de trois semaines ici. Dans quel état retrouverait-elle la fillette, si elle était bel et bien retenue prisonnière dans ce laboratoire ? Et si...
N'y pense pas !
Natsuki essuya ses paumes moites sur son pantalon. Elle se sentait prête à bondir à la moindre alerte. Pas une âme. La solitaire progressa à pas de loup. Les plans de la base la décrivaient comme un véritable labyrinthe bâti dans un réseau de couloirs et des salles souterraines naturels qui traversait la falaise comme une immense ville troglodyte. Sans un bruit, elle se plaqua contre un sas et attendit qu’un vigile achève sa ronde, immobile comme une statue. Ne pas bouger. L'œil détecte les mouvements en premier, pas les détails, se répéta-t-elle alors que son cœur cognait à tout va dans sa poitrine. Alyssa pouvait être n’importe où mais Natsuki avait décidé d’orienter ses recherches aux abords d’une immense salle où devaient être enfermés les orphans. Des créatures qui pouvaient la tuer d'un geste maintenant que ses pouvoirs avaient décliné.
N'y pense pas !
La jeune femme inspira profondément. Elle n'était pas prête, réalisa-t-elle avec panique. Pas de stratégie. Pas de plan de repli. Elle était venue ici sans attendre parce qu’elle ne supportait pas l'idée qu’Alyssa endure un jour de plus comme cobaye pour une bande de yakuza tarés. Mais à ce rythme, elle allait se faire prendre. Et personne ne retrouverait sa sœur.
Elle vit une ombre bouger à l’instant où une barre métallique s’abattait sur elle. Ses réflexes de HiME la firent bondir en arrière et l’arme la frôla d’un cheveu. Natsuki se fendit et son poing arracha un grognement de douleur à son agresseur quand elle frappa l’homme sous le plexus. L’air bougea dans son dos, trahissant une présence derrière elle. Elle n’eut pas le temps de se retourner, encore moins de se défendre. Un éclair de souffrance explosa sous sa nuque et la jeune femme tomba à genou, sonnée.
Relève-toi, relève-toi !
Une main l’attrapa par les cheveux et la tira cruellement en arrière.
- Oh, on a gagné le jackpot, on dirait, susurra une voix en découvrant son visage. Amenez là dans le zoo, on va rigoler.
La solitaire se débattit et l’homme lui décocha un coup de pied dans l’estomac. Deux yakuza la saisirent par les épaules sans ménagement et l'obligèrent à se mettre debout avant qu'elle ne s'effondre, le souffle coupé.
Natsuki n’avait pas la force de Mai ou de Shizuru, toute HiME qu’elle soit. Contre trois hommes, les bras maintenus dans le dos, elle ne pouvait rien faire. Elle enrageait, le cœur battant à tout rompre et le regard balayant frénétiquement les lieux à la recherche d’une issue. Comment l’avaient-ils repérée si vite ? Il n’y avait pas la moindre caméra, à peine quelques vigiles !
On la poussa dans une salle démesurée dans laquelle s’entassait une faune délirante, des centaines de formes bardées de crocs, de griffes, d’écailles et de serres. Le « zoo ». Des orphans par centaines. Et à quelques pas d'elle, dans une cellule, Natsuki reconnut la silhouette chétive de sa sœur.
- Alyssa !
La fillette était prostrée dans un coin de sa prison. Lorsqu'elle redressa la tête à l'appel de son nom, le regard éberlué qu'elle posa sur son aînée était rougi par l'épuisement. Elle se leva et courut en titubant vers elle, d'une démarche si incertaine que Natsuki crut qu'elle allait tomber. Alyssa était d'une pâleur maladive. Son aînée avait l'impression de se trouver face à un fantôme tant elle était frêle. Elle rua pour se libérer, toute prudence jetée aux orties et le regard rivé sur la silhouette fluette de sa cadette. Était-elle blessée ? Que lui avait-on fait ?
- Hé là, tout doux !
On la frappa au visage. Natsuki trébucha et jeta un regard féroce au yakuza. La fureur rugissait dans ses veines, tellement brûlante qu’il lui fallut toute sa maîtrise pour ne pas se débattre davantage. Sa sœur s’était précipitée contre les parois transparentes de sa cellule et la suppliait du regard, terrorisée. Elle allait bien, se répéta ma jeune femme en calmant la panique qui lui dictait de se ruer vers elle. Elle allait bien.
- C’est grâce à elle, tu sais, lança l’homme qui la tenait d’un ton triomphant. Le truc sur ton épaule.
La solitaire tressaillit en voyant une sorte de grosse araignée escalader son blouson.
- Qu’est-ce que c’est que ça ? gronda-t-elle.
Il fallait le faire parler. Gagner du temps, pour retrouver ses esprits, repérer une issue et agir.
- Un orphan. C’est ta sœur qui l’a dressé. Il est ridicule hein ? Mais il est rapide et en altitude il détecte mieux les choses qu’une chauve-souris ! On lui a mis un capteur sur le dos et on l’a lâché dans la forêt : s’il revient au laboratoire c’est qu’il s’est posé sur un intrus qui a réussi à entrer. On a…
- Ta gueule ! rugit le meneur.
Il était grand, avec des traits taillés à la serpe. Natsuki le baptisa immédiatement Vautour. Il tenait un katana rangé dans son fourreau et jouait avec en le balançant comme une canne. L’orphan déploya des ailes transparentes et traversa les airs pour se placer à sa hauteur.
- Natsuki Kuga, c’est ça ? C’est sympa de venir rendre visite à ta sœur. Tu as mis du temps pour venir. C’est à cause de notre orphan qui t’a un peu esquintée quand tu as voulu faire de l’alpinisme sur notre immeuble, l’autre jour ?
- En plein centre de Kyoto, c’était une surprise…
Tant que cette petite discussion se prolongeait, elle était en sursis. Il lui semblait avoir repéré un verrou de cage mal fermé, juste derrière son dos. Avec un peu de chance…
- On le libère la nuit et on le récupère le lendemain matin avant l’arrivée des employés avec un steak et quelques seringues de tranquillisant. De toi à moi, ça vaut n’importe quel dressage.
- J’ose pas imaginer les dégâts lorsqu’il décide de se faire les griffes sur vos fauteuils de bureau, maugréa-t-elle.
Un sourire grotesque étira les lèvres de Vautour et il s’approcha d’elle. Son expression ne changea pas d’une ride lorsqu’il leva son arme et l’abattit de toutes ses forces, comme une matraque. La douleur aveugla la solitaire comme un flash. Les oreilles bourdonnantes, elle n’eut même pas la force de hurler, persuadée qu’on lui avait ouvert le crâne.
- C’est marrant, ce que tu viens de dire, ricana-t-il alors qu’elle tentait de se redresser. Très marrant. J’adore !
Il lui décocha un coup de pied dans les côtes et les autres yakuza la lâchèrent. Il se jeta sur elle comme un forcené. À demi assommée, Natsuki eut à peine le temps de lever les bras pour se protéger du déluge de coups qui tomba sur elle.
Vautour éclata de rire. Un rire de dément qui lui glaça le sang. Natsuki s'était roulée en boule sur le sol. Il allait la tuer à main nue. Défends-toi ! hurla son instinct.
La solitaire bloqua un coup de pied qui allait lui écraser le visage et se tendit comme un arc. Sa jambe faucha Vautour derrière le genou et le yakuza s’écrasa sur le béton, privé de son seul appui.
- Salope !
Les deux autres yakuza intervinrent et la clouèrent au sol pour l’empêcher de se relever. Natsuki se débattit avec l’énergie du désespoir, à peine consciente et haletante comme un poisson hors de l’eau. Elle cria de rage et de douleur, un cri qui s’étouffa en un sanglot d’impuissance lorsqu’on lui plia un bras dans le dos. Trois contre un. Ses doigts griffèrent l’air en une ridicule tentative de se défendre.
- Tu es amusante Natsuki, très amusante !
Vautour l’agrippa par les cheveux et la força à relever la tête. Natsuki sentit son souffle tout prêt de son cou et la panique la transperça comme une lame de glace.
- Oh oui, on va bien s’amuser tous les deux ! On va bien rire !
La solitaire se cambra pour s’éloigner de lui et de ses mains serrées sur son corps, le cœur au bord des lèvres et à deux doigts de défaillir.
- Mais avant il y a plein de choses à faire !
Vautour la lâcha et s’éloigna d’elle, ses mains s’agitant dans l’air comme s’il tissait une toile invisible.
- Des petits soucis à régler, tout ne se passe pas bien, ici !
Son expression prit celle d’un gamin boudeur. Taré, complètement barge, songea Natsuki qui gisait à terre, plaquée contre le béton. Dans sa cellule, Alyssa pleurait, impuissante.
- Vois-tu Natsuki, Alyssa ne nous aide pas beaucoup. Mais c’est bien que tu sois venue, ça tombe très bien parce que j’avais très envie de régler ça. Oui, c’est bien. Arata, tu veux bien ouvrir la cellule, s’il te plaît ?
Vautour poussa la grille et entra à l’intérieur.
- Qu’est-ce…qu’est-ce que vous allez faire ?
- La Searrs était une belle société. Mais les orphans…
Il secoua sa tête de rapace, et un sourire cruel s’étira sur son visage.
- Ce n’est pas une bonne idée. Ça ne peut pas marcher. Et il y a d’autres choses plus rentables ici. Alors, Alyssa ne nous sert plus à grand-chose.
Il haussa les épaules avec un petit rire. Le sang de Natsuki se figea dans ses veines. La fillette recula, son regard agrandi par la peur sautant du Yakuza à sa sœur clouée face contre terre.
- Non, attendez !
Le yakuza qui l’immobilisait enfonça son genou entre ses omoplates et lui arracha un cri de douleur lorsqu'il tira ses bras en arrière.
- On ne peut pas garder quelque chose qui n’est pas utile, tu es d’accord, n’est-ce pas ? marmonna Vautour.
Le yakuza plongea la main dans les plis de sa veste pour attraper son revolver et le braqua sur Alyssa.
- Non !
- Non ? Qu'est-ce que tu proposes comme solution, Natsuki ?
La solitaire s'accrocha à ces mots, éperdue. Une solution? Elle était prête à tout pour arrêter ce cauchemar. Eloigner cette arme de la tête de sa sœur qui s'était figée, pétrifiée par la peur. Elle aurait fait n'importe quoi.
- Je...ce n'est qu'une gamine...vous voulez des informations intéressantes ? Quelque chose d'utile ?
Elle ne contrôlait plus ses mots. La seule chose à laquelle elle songeait était toutes ces données qu'elle avait volé de l'ordinateur de Shizuru et qui étaient enregistrées dans une clé USB. C'était peut-être sa seule monnaie d'échange. Le seul moyen que sa sœur soit épargnée. Alyssa ne la quittait pas du regard, ses grands yeux bleus braqués sur elle, écarquillés de terreur.
Vautour la regarda avec une expression peu convaincue.
- Tout dépend de ce que tu appelles...intéressant...il faut que ça vaille le coup, je ne supporte plus de perdre mon temps, tu comprends ?
Il appuya sur la détente, sans prévenir. Natsuki retint un cri et manqua s'évanouir. Le sang qui lui battait les tempes était aussi assourdissant que l'écho de la détonation. La balle avait frôlé la tête d'Alyssa, faisant voltiger des mèches de cheveux blonds. La fillette avait fermé les yeux et tremblait de tous ses membres.
- Oups, murmura Vautour avec un sourire.
- Stop ! Je...je vais vous donner des noms, d'accord ? haleta Natsuki, morte d’angoisse. J'ai des informations, je sais qui travaille contre vous !
Vautour leva son revolver et se gratta pensivement le front en se servant du canon de son arme.
- Hum. Oui. J'admets que ça peut être intéressant. Mais vois-tu, Natsuki, je n'ai pas besoin de toi pour savoir tout ça. Et ce n'est pas très sympa de jouer contre son camp. Je n'ai pas envie de t'obliger à trahir tes contacts, je m’en voudrais trop, après.
Vautour soupira et tendit le bras. Natsuki comprit avec horreur qu'il avait juste voulu jouer avec elle.
Elle rua pour se libérer et le yakuza qui lui maintenait le bras dans le dos tira à en faire craquer ses articulations. Natsuki hurla, des larmes de détresse dévalant son visage barbouillé de sang. Les yeux fous, elle ressemblait à une bête sauvage.
- Arrêtez ! Je…je ferai tout ce que vous voudrez, ne lui faites rien !
Sa voix était rauque et ses supplications se noyèrent dans un sanglot pathétique. Natsuki ne ressentit aucune douleur lorsqu’on lui déboita l’épaule pour la forcer à se calmer.
- Tu sais, le plus amusant dans toute cette histoire, c’est que si tu n’étais pas venu je crois que je n’aurais jamais été obligé de faire ça.
La détonation résonna tel un claquement de tonnerre. Le corps d'Alyssa partit en arrière, frappé à bout portant. L'espace d’un instant, Natsuki aperçut l’impression incrédule figée sur son visage. La balle l’avait atteinte en pleine poitrine. Elle s’effondra comme une poupée de chiffon. Et ce fut le silence.
- ALYSSA !
Natsuki se tendit de tout son être, les pupilles dilatées par l’horreur. Le mur blanc était constellé de petites taches rouges, comme un tableau d’art moderne. Oh Kami, ce n’était pas possible…
Quelque chose lâcha en elle. Brisée, Natsuki ne vit pas Vautour se détourner et ne l’entendit pas prendre la parole.
- Emmenez-la dans une cellule, dans l’aile ouest. Je viendrai la voir plus tard, il y a d’abord d’autres choses à régler avant de s’amuser, expliqua Vautour en rangeant son arme comme si de rien n’était. Oui, beaucoup d’autres choses.
Natsuki n’opposa aucune résistance lorsqu’on la tira au bout de l’allée. Son regard vide était rivé sur le sang qui mouchetait la peinture blanche. Alyssa était morte.
*****************************
- Tu n’as pas l’air en forme.
- Il est presque six heures du matin, Kenji. Rien ne me ferait plus plaisir que d’aller me coucher.
Shizuru réajusta son tailleur avec un soupir las. Le Yamagushi-gumi et l’Aizukotetsu-kai avaient beau avoir signé une alliance, aucun ne voulait prendre le risque de se trouver en position de faiblesse face à l’autre et l’ambiance des réunions des deux grands clans yakuza était électrique.
- Ryushi est encore à l’intérieur. Quelques détails à régler, il ne devrait plus tarder. Je t’offre un café en l’attendant ?
Il montrait du pouce le restaurant d’un hôtel de l’autre côté de la rue. Les larges fenêtres laissaient voir une grande salle déserte baignée d’une lumière dorée et la silhouette d’un serveur qui somnolait derrière le bar.
- Merci. Un thé, s’il te plait.
Le yakuza qui les escortait s’assit à la table d’à côté, en lançant des regards appuyés au serveur pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas n’importe qui dans son restaurant. Ce que Shizuru jugea du plus grand ridicule. Deux autres shatei montaient la garde à l’entrée. Ne pouvaient-ils pas passer une simple commande sans déployer tout ce cirque ?
- J’en ai assez. J’arrête.
Les mots avaient jailli de sa bouche sans même qu’elle ne le réalise. Kenjiro lui jeta un regard en coin.
- Tu arrêtes quoi ?
Shizuru prit une gorgée de thé et se tourna vers leur escorte, son plus beau sourire plaqué sur le visage.
- Excusez-moi, Kuroda-san, mais ma boisson est froide, pourriez-vous demander au serveur d’en apporter une autre ?
Le shatei hésita un instant et se leva pour aller chercher l’homme. Shizuru plongea ses yeux dans ceux de son cousin.
- Les réunions. Le Fujino-kai. Les magouilles. Je n’en peux plus.
- Shizuru !
- Ne dis rien, je sais très bien ce que tu penses.
- Je ne pourrais pas te protéger si tu tournes le dos à l’organisation. Pas maintenant. Pas si tôt.
Vraiment ? songea-t-elle. Shizuru estimait qu’elle était désormais en position de négocier avec la police. Les informations concernant les Gurentai qu’elle avait transmises à l’inspecteur Nagoshi suffisaient largement pour permettre aux autorités d’agir. Il y avait des noms, des preuves, et aucun yakuza de Kyoto ne lèverait le petit doigt pour leur venir en aide, bien au contraire. Elle avait largement rempli sa part du contrat.
Nagoshi pourrait lui fournir une nouvelle identité. Elle n’aurait qu’à quitter la ville pour pouvoir commencer une nouvelle vie. Arrêter de mentir pour de bon. Oui, elle pouvait…
Alyssa.
Ses illusions furent aussitôt réduites à néant. Tant que la fillette serait aux mains des yakuza, elle ne pouvait pas se permettre de quitter la pègre et son réseau d’informateurs.
Shizuru porta sa tasse à ses lèvres, découragée. Plus de mensonge, décida-t-elle en désespoir de cause. Même si elle était liée au Fujino-kai, Natsuki méritait au moins de savoir à quel jeu elle jouait. Oui, en rentrant à Kyoto, elle lui raconterait toute l’histoire depuis le début.
Son téléphone sonna à cet instant et elle reconnut le numéro de Nagoshi. Si tôt, c’était une première…
- Excuse-moi, Kenji. Je dois prendre cet appel.
Elle décrocha.
- Fujino, on a un problème.
******************************
Nagoshi l’attendait sur le quai du Shinkansen, l’air encore plus morne que d’habitude.
Shizuru avait pris le premier train, faussant compagnie à son cousin sans autre forme de procès.
- La patrouille l’a trouvée au bord d’une route, déclara-t-il de but en blanc en l’escortant hors de la gare. Elle était perdue au milieu de nulle part, sans papiers, ni rien. Vous avez de la chance que mes gars m’aient appelé au lieu de la coller immédiatement au trou comme ils auraient dû le faire !
- Comment va-t-elle ?
- Épaule déboitée. On s’en est occupé, et ça à l’air d’aller. On l’a tabassée, mais vous guérissez vite, non ? Bordel, je vous avais dit d’éviter de vous faire remarquer ! Kuga est toujours recherchée ! pesta l’inspecteur.
Seule une poignée de personnes connaissaient les tenants de l’affaire. N’importe quel autre flic l’aurait trainée en garde à vue, menottes au poing.
Nagoshi avait l’air furieux. Shizuru l’ignora et courut vers la voiture de police alors que la panique se déversait dans ses veines.
Natsuki se glissa hors du véhicule, sa silhouette brisée plus fragile qu’une ombre.
- Natsuki !
La solitaire ne l’entendit pas. Voutée, elle semblait sur le point de s’effondrer.
- Oh, Kami…
Shizuru se précipita vers elle et la prit dans ses bras, doucement, comme si elle était faite de cristal. Natsuki n’esquissa pas un geste et Shizuru eut l’impression terrible d’étreindre une statue de glace. Elle ne savait pas laquelle des deux tremblait le plus fort.
- Natsuki, regarde-moi, supplia-t-elle.
Elle recula pour lui laisser un peu d’espace, cherchant en vain à croiser son regard.
- Regarde-moi…
Lentement, très lentement, elle écarta les mèches sombres qui voilaient son visage et retint un gémissement. On l’avait rouée de coups et sa peau était couverte d’ecchymoses. Les yeux de Shizuru s’attardèrent sur ses lèvres fendues. Sur la plaie qui s’ouvrait sur sa pommette, à l’endroit où la peau avait explosé quand on l’avait battue. Sur le sang séché qui couvrait la moitié de son visage tel un masque. L’éclat qui jouait en permanence dans son regard d’émeraude s’était éteint. Ses yeux étaient vides. Morts. Comme ceux de sa mère. Les mots franchirent ses lèvres, vibrant de douleur, sans qu’elle puisse les retenir.
- Oh, Natsuki, que t’ont-ils fait ?
Un élan de désespoir lui comprima la poitrine et Shizuru s’agrippa à ses épaules comme pour lui insuffler un peu de vie. La solitaire siffla de douleur et elle la lâcha, coupable et au bord des larmes.
- Pardon Natsuki, pardon…je…
- Reprenez-vous, Fujino !
Elle n’avait même pas entendu l’inspecteur arriver et sursauta lorsque sa voix retentit, si proche.
- Vous avez l’air encore plus terrifiée qu’elle, arrêtez ça tout de suite ou dégagez d’ici ! aboya-t-il durement.
La jeune femme était blême, folle d’inquiétude et les yeux exorbités par la panique. Shizuru cligna des yeux comme si elle sortait d’un cauchemar et prit brutalement conscience de l’image désespérée qu’elle devait renvoyer. Elle se força à reprendre le contrôle d’elle-même. C’était comme tenter d’empêcher un volcan d’entrer en éruption et elle ne parvint pas à calmer les frissons qui la parcouraient impitoyablement.
- Je ne voulais pas te faire mal…pardonne-moi…ça va aller, ça va aller, murmura-t-elle en attirant doucement la solitaire contre elle.
Nagoshi leur laissa un peu de temps et fit signe à ses hommes de monter dans les voitures. Shizuru leva brièvement la tête vers lui, mille questions traversant son regard. Il secoua la tête.
- Je ne sais rien, impossible de lui arracher un mot. Vous voulez que j’appelle une ambulance ?
- Non ce…ce ne sont que des bleus…je n’ai rien…
La voix de Natsuki était un murmure étouffé, vide d’émotion.
- Je n’ai rien, répéta-t-elle en regardant Shizuru pour la première fois.
Son amie ferma un instant les yeux pour absorber ces mots. Les scénarios de cauchemar qui se tissaient dans son esprit se déchirèrent comme des toiles d’araignée et une part d’elle aurait pleuré de soulagement. L’autre frémit en comprenant que la raison pour laquelle Natsuki se tenait devant elle, brisée, était tout aussi terrible. Natsuki était revenue seule d’Asward. Natsuki et personne d’autre. Shizuru resserra son étreinte et sa gorge se noua lorsque son imagination lui présenta la silhouette frêle et timide d’Alyssa Sears.
Nagoshi hocha la tête et s’éclipsa. Les voitures démarrèrent, les laissant seules.
- Alyssa…murmura Natsuki.
Sa voix s’étrangla et elle éclata en sanglots.
*************************************
- Est-ce que tu peux me dire ce qu’il s’est passé ? demanda doucement Shizuru.
Natsuki s’était effondrée dans un fauteuil, la tête entre les mains. Elle avait vaguement conscience de l’odeur d’alcool qui s’accrochait dans l’air autour d’elle. Le désinfectant la brûlait un peu réalisa-t-elle, une douleur lointaine et engourdie comme si tout son être était transi de froid. L’appartement. Elle était incapable de se souvenir comment elles étaient arrivées ici. En voiture ? On l’avait porté, peut-être ? Les lèvres de Shizuru s’animèrent. Des mots. Elle n’entendait rien. L’air était dense et pesant autour d’elle. Assourdissant. Comme si elle s’était empêtrée dans une gigantesque boule de coton.
- ça n’a pas d’importance, entendit-elle finalement, lorsque Shizuru acheva sa phrase en un murmure. Il lui semblait que sa voix lui provenait de l’autre bout de la pièce.
Un rire monta en elle, prêt à éclater comme une bulle emplie d’amertume et de folie lorsque le sens de ces mots s’imprima dans son esprit. Oui, ça n’avait pas d’importance.
- Viens dans la chambre. Il faut que tu t’allonges et que tu dormes un peu.
Un poids sur son épaule. La main de Shizuru qui s’attarda un instant avant de descendre le long de son omoplate pour la pousser gentiment en avant.
Des cris. Des hurlements à glacer le sang qui s’achèvent dans des gargouillis écœurants. La porte de sa cellule vole en éclat. Dans le couloir, des câbles jaillissent des parois éventrées et se tordent sur le sol comme des serpents en crachant des gerbes d’étincelles.
- Natsuki ?
Autour d’elle l’air se brouille et tourbillonne, déforme les objets et les murs qui ondulent comme des tentures. Et après ?
Elle vole, filant à travers des dizaines de couloirs et parcourant des hangars gigantesques en un battement de cil. Des coups de feu retentissent. Elle déchire des murs de métal fragiles comme des feuilles de papier d’aluminium. Des machines et des panneaux de commandes explosent. Les alarmes hurlent et l’atmosphère est saturée de fumée et de sons. Puis le chaos meurt d’un coup.
Le silence de la forêt est surnaturel. Il lui faut plusieurs secondes pour que sa vue s’habitue à la pénombre. Les silhouettes des troncs d’arbres et des taillis s’étirent comme des taches d’encre dans la grisaille de l’aube, alors qu’elle les dépasse à toute allure…
Natsuki secoua la tête pour s’éclaircir les idées. La jeune femme se souvenait mal des circonstances de son évasion et ne retenait que des images confuses et délirantes. Elle ne se rappelait même pas avoir eu envie de s’échapper. Et ça n’avait plus aucune importance. Docilement, elle laissa Shizuru l’entrainer dans la chambre.
Qu’avait dit Vautour, déjà ? Si tu n’étais pas venu, je crois que je n’aurais jamais été obligé de faire ça.
Il n’avait pas menti, Natsuki en avait cruellement conscience. Tuer Alyssa n’avait été qu’un jeu, un divertissement aussi absurde que sadique pour le yakuza. Si elle n’avait pas cherché à la libérer, rien de tout ceci ne serait arrivé réalisa-t-elle alors que les larmes lui montaient aux yeux. La vie de sa sœur était en jeu et elle avait échoué, lamentablement échoué. Tout était de sa faute.
Shizuru se tenait à ses côtés et elle fut incapable de soutenir le regard qu’elle lui adressait. A cet instant, alors que le revolver de Vautour était braqué sur Alyssa, Natsuki l’aurait trahie sans hésiter. Un mot de lui et elle aurait raconté tout ce qu’elle avait appris du Fujino-kai, de ses clients et de ses cibles, lorsqu’elle avait fouillé dans l’ordinateur de son amie.
Elle avait précipité la mort de sa sœur et aurait vendu son être le plus cher sans marquer la moindre hésitation. Natsuki se figea et avala péniblement sa salive. La culpabilité qui la consumait était écrasante. Intolérable Elle avait l’impression que des centaines d’yeux étaient braqués sur elle et que le moindre de ses gestes trahissait sa responsabilité dans ce cauchemar. La gentillesse de Shizuru à son égard était une véritable torture. Insupportable et brûlante comme du sel sur les plaies à vif que les remords ouvraient dans sa conscience.
Un sifflement terrible lui vrilla les tympans. La solitaire porta les mains à sa tête et se sentit partir. Lorsqu’elle ouvrit de nouveau les yeux, elle était assise sur le lit et le visage de Shizuru était à vingt centimètres du sien, les traits creusés par l’inquiétude.
- Doucement, ne te lève pas. Je vais appeler une ambulance.
La solitaire était livide et tremblait de tous ses membres, les yeux écarquillés comme si elle venait de voir un fantôme.
- Non, non, hoqueta-t-elle fiévreusement. Je sais…je me souviens.
Shizuru l’empêcha de se lever mais elle se déroba, fébrile.
- Je sais…où est Alyssa…
Le cœur de Shizuru se comprima dans sa poitrine en l’entendant délirer. C’était les seuls mots que Natsuki avait prononcés avant de s’enfermer dans le silence en arrivant : on avait abattu Alyssa. Une balle en plein cœur, juste sous ses yeux.
- Natsuki, commença-t-elle d’un ton apaisant, Alyssa est…
- Je sais ! Je sais…mais il faut que j’aille là-bas, supplia-t-elle. Je ne peux pas la laisser…même s’il est trop tard…
Shizuru la dévisagea avec attention et tâcha de sonder son regard. Ce qui s’était produit était terrible et n’importe qui aurait rejeté la réalité en bloc. A l’entendre, elle n’était pas certaine que Natsuki ait bel et bien conscience de la mort de sa cadette.
- De quoi est-ce que tu te souviens, exactement ? Décris-moi.
Le regard de Natsuki partit dans le vague.
- C’est dans la forêt. Pas très loin de la base.
- Et tu te souviens avoir vu Alyssa, à cet endroit ?
- Je…je ne sais plus très bien. Mais elle est là-bas. Je sais qu’on l’y a emmenée.
Que s’était-il passé ? se demanda Shizuru. Alyssa est morte…et après ? Les yakuza avaient sûrement voulu se débarrasser du corps. Dans la forêt ? Alors qu’ils se trouvaient au beau milieu d’un laboratoire infesté d’Orphans qui l’aurait dévorée en un clin d’œil ? Trop compliqué. Illogique. Et à supposer qu’ils aient sorti son cadavre du bâtiment, pourquoi auraient-ils emmené Natsuki avec eux ? Non. Stupide. Ça n’avait aucun sens. Ou alors, elle avait surpris les yakuza après qu’elle se soit enfuie du laboratoire ? Est-ce qu’une coïncidence aussi énorme était possible ? Et surtout, Natsuki aurait-elle oublié une telle vision ? Non, trop d’incertitudes, trop d’hypothèses…Shizuru avait du mal à y croire.
- Tu m’as dit qu’on l’avait tué, Natsuki, déclara-t-elle en haïssant chacun de ces mots. Un yakuza lui a tiré dessus. Que s’est-il passé, après ?
Ce qu’elle disait était trop confus pour que Shizuru comprenne où elle voulait en venir. Le visage de Natsuki se ferma immédiatement, comme si on venait de la frapper.
- Je ne sais plus, répéta-t-elle. Je ne suis pas sûre…
Shizuru renonça. Aucune question ne méritait que la jeune femme se débatte plus longtemps dans des bribes de souvenirs aussi sombres. Peu importe ce qui avait pu se produire. Ça n’inverserait pas le cours des choses. Elles auraient tout le temps d’y réfléchir, mais plus tard. Bien plus tard. Quand Natsuki aurait dormi une douzaine d’heures et que sa santé mentale serait moins fragile.
- Rien ne presse, d’accord ? N’y pense plus. Laisse-toi un peu de temps. Tu es en état de choc...
Natsuki lui lança un regard de défi désespéré.
- Ne me regarde pas comme ça ! Je veux juste…voir son corps de mes propres yeux…ça s’est passé si vite…
Elle se massa les temps, l’air complètement perdue et les yeux luisants de larmes et de folie. Shizuru se pencha un peu plus en avant, pour tenter de capter son attention qui vacillait. Voix douce et une main posée sur son épaule. Natsuki était au bord de la crise de nerfs.
- Dis-moi où est cet endroit, décris-le-moi et j’irai moi-même, avec la police. On fouillera tous les environs, proposa-t-elle en compromis.
Elle doutait de trouver quoi que ce soit. Shizuru était prête à examiner chaque possibilité. Admettre qu’il y avait une part de vérité. Mais la détresse de la jeune femme était si forte qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de penser que Natsuki ne savait plus où elle en était. Que sa mémoire torturée la poussait à imaginer pour combler les vides.
Je sais qu’on l’y a emmenée…
Peut-être avait-elle entendu une discussion entre deux yakuza et que son esprit avait fait le lien ?
- Non ! Non…J’y vais.
Quelle tête de mule ! Quel besoin avait-elle de se torturer davantage ?
- Je dois en avoir le cœur net, tu comprends ? Sinon jamais je ne pourrais…j’en ai besoin…Pour accepter tout ça.
- Repose-toi d’abord. Natsuki, tu ne tiens plus debout ! Après ce que tu viens de vivre…
- On parle de ma sœur. Je pars maintenant. N’essaie pas de m’en empêcher.
Natsuki était blême et à bout de force, traumatisée comme la rescapée d’un champ de bataille mais Shizuru n’avait rien à rétorquer à un tel avertissement. Par lorsque le ton était aussi désespéré qu’une prière. Natsuki irait au bout de son cauchemar. Elle ramassa son blouson dans un état second, avec la rigidité d’un automate et un regard hanté. Shizuru capitula, bouleversée.
*****************************
Le trajet en taxi s’effectua dans un silence mortel. Le véhicule quitta rapidement la ville pour emprunter des routes sinueuses qui s’enfonçaient à travers la forêt. Assise à côté d’elle sur la banquette arrière, Natsuki se décomposait au fil des kilomètres. Shizuru posa sa main sur la sienne. La solitaire ne broncha pas, recroquevillée contre la portière, et le poing serré sous sa paume était froid comme la pierre.
- On y est bientôt, murmura-t-elle finalement.
Shizuru hocha sombrement la tête, plus intéressée par surveiller l’état de son amie que de connaître leur destination. Les doigts de la solitaire s’étaient noués autour des siens et lui serraient les phalanges à lui en faire mal. Elle ne semblait même pas en avoir conscience. Son amie avait l’air hagard, le regard perdu comme si elle était en transe.
- Stop ! Stop, c’est là…
Natsuki la lâcha et se glissa hors du taxi. Elle n’était pas loin, moins d’un kilomètre, souffla une voix dans son esprit alors qu’elle considérait la cime des pins noyés dans la brume. Comme un somnambule, elle se mit en route.
C’était comme progresser dans un rêve. Autour d’elle, la forêt était irréelle. Morte. Comme si un gigantesque incendie avait tout brûlé, jusqu’au dernier brin d’herbe. Le brouillard la peuplait de spectres décharnés. Flous. Imprécis. Natsuki s’enfonçait dans un nuage. Était-ce le bon chemin ? Le ciel gris nimbait les lieux d’une luminosité surnaturelle. Toutes les couleurs avaient été englouties par la brume, laissant un décor onirique de cendres et d’ombres argentées.
Un peu plus loin…
Des formes éthérées dansaient à la lisière de sa vision. Inquiétantes. Menaçantes. Natsuki se frotta les yeux et promena autour d’elle un regard halluciné. Des silhouettes fantastiques se dessinaient entre les arbres. Mouvantes et sombres comme de l’encre liquide. Un croassement rompit le silence et Natsuki sursauta. Quelque chose agrippa à sa cheville et elle perdit l’équilibre. Éperdue, elle se retourna pour faire face à la créature qui l’avait attaqué et tomba nez à nez sur la racine d’arbre dans laquelle elle s’était empêtrée. Pas de griffes. Pas de crocs. Pas d’orphans. Rien que cette forêt pétrifiée envahie de fantômes.
- Tu vas bien ?
Shizuru l’aida à se relever. Natsuki s’appuya un instant sur un rocher couvert de givre, désorientée. Depuis combien de temps marchaient-elles, déjà ? Où était-elle ? Tout était si différent de ses souvenirs…Elle se remit en route, dans ce délire sans couleurs sorti tout droit d’un livre de contes.
En bas du talus et quelques pas sur la droite…
L’air ondoya comme un mirage. Des mots. Un murmure imperceptible. Rien qu’une brise, corrigea-t-elle alors qu’une angoisse sourde s’insinuait dans ses veines. Le vent. Elles dépassèrent le squelette dépouillé d’un arbuste engoncé dans la brume et Natsuki se figea.
- C’est ici…
Le murmure était tellement ténu que Shizuru crut l’avoir rêvé. Natsuki les avait conduites aux abords d’une clairière. Cinquante mètres plus loin, on apercevait une parcelle de terre fraîchement retournée, plus sombre que les autres.
- Kami…murmura-t-elle, sidérée.
La solitaire s’élança en avant. Elle tomba à genou devant la tombe de sa sœur, les doigts enfoncés dans la terre meuble. Shizuru la rejoint, la bouche sèche et les jambes en coton.
Son amie avait commencé à creuser avant de s’interrompre, la tête rentrée dans les épaules, écrasée par le chagrin.
- Je ne peux pas, je ne peux pas !
Shizuru s’agenouilla à ses côtés et la tira contre elle, en prenant entre ses mains ses poings serrés convulsivement sur la terre.
- Arrête Natsuki, arrête, murmura-t-elle. Il faut partir d’ici.
Appeler la police et leur dire d’envoyer une équipe. Elle devait éloigner son amie de cet endroit, immédiatement.
La jeune femme secoua la tête.
- Non, gémit-elle d’une voix cassée. Alyssa…Je dois…
Elle se pencha hors de son étreinte pour déblayer le sol mais Shizuru la maintint résolument entre ses bras.
- Lâche-moi !
- Natsuki…
- Fous-moi la paix ! On peut pas partir comme ça ! Shizuru !
Natsuki se débattit avec autant de vigueur que le lui permettait son corps épuisé et lui griffa les bras avec frénésie pour s’arracher à son étreinte. Elle les fit tomber toutes les deux en essayant de lui échapper. Shizuru la plaqua à terre de tout son poids et agrippa fermement son poignet lorsqu’elle tenta de la frapper.
- Lâche-moi ! hurla-t-elle de nouveau.
La solitaire lutta pour se dégager et la jeune femme tenta de la raisonner avant qu’elle n’aggrave ses blessures.
- Arrête ! Calme-toi ! Je vais le faire, d’accord ?
Les yeux de Natsuki, rivés aux siens, étaient deux puits de douleur. Shizuru aurait tenté n’importe quoi pour soulager sa détresse. N’importe quoi.
- Je vais le faire, répéta-t-elle d’une voix apaisante, comme si elle parlait à un enfant. Je m’en occupe. Reste à l’écart.
Son cœur battait la chamade à cette idée. Elle ne savait pas jusqu’à quel point elle serait capable d’aller. Son amie se calma d’un coup, brisée et sans force. Shizuru ignorait comment Natsuki avait pu les mener à cet endroit mais tout ce qu’elle avait dit était d’une terrible exactitude. Elle n’avait plus aucun doute sur ce qu’elle allait découvrir en creusant à sa place et tout son être hurla lorsqu’elle écarta doucement sa chère solitaire pour se mettre au travail. Comment Natsuki avait-elle pu simplement s’approcher de cet endroit ?
Elle progressait à une lenteur insoutenable, enlevant mécaniquement une poignée de terre après l’autre. Lorsque sa main heurta quelque chose, Shizuru frémit d’horreur et le cri qui lui échappa s’étouffa dans un sanglot. Sous ses doigts, la peau qu’elle effleurait était glacée. Terrifiée, elle dut faire appel à tout son courage pour lever ses yeux vers Natsuki. Elle ne prit même pas conscience des larmes qui dévalaient son visage. Elle avait retrouvé Alyssa.
*****************************
Son corps était raide et froid comme une statue de glace. L’obscurité s’enroulait autour d’elle en un carcan étouffant et elle suffoqua, écrasée dans cette enveloppe bien trop petite pour elle. Terrifiée, elle se débattit dans les liens invisibles qui l’enchaînaient. On l’emmurait vivante et ses cris d’horreur se perdirent dans ce monde aveugle et pétrifié. Plutôt mourir, supplia-t-elle, submergée par la panique.
L’atmosphère ondula comme une cape de velours et elle se figea en sentant un frôlement plus léger qu’un souffle. Quelque chose s’agitait, loin, très loin. Lentement, elle essaya de bouger de nouveau, l’espoir tonnant dans tout son être. Les sensations devenaient de plus en plus précises. Le vent, une brise imperceptible. L’humidité contre sa peau. L’odeur des pins. Le froid, vif et piquant qui se déversa dans ses poumons lorsqu’elle engloutit une bouffée d’oxygène.
La douleur lui brûla la poitrine, comme si elle respirait pour la première fois de sa vie, et Alyssa s’étrangla dans une quinte de toux. Autour d’elle, le monde était si lumineux qu’elle referma aussitôt les yeux. Le froid avait disparu et elle était blottie contre une chaleur rassurante. Quelqu’un pleurait et il fallut plusieurs instants avant qu’elle ne reconnaisse la voix de sa sœur, altérée par les sanglots. Natsuki la serrait contre elle comme si sa vie en dépendait et Alyssa se laissa bercer entre ses bras, trop épuisée pour esquisser le moindre geste. Elle ouvrit un œil et distingua quelques ombres qui se précisaient peu à peu dans la clarté qui l’aveuglait. Entre les arbres, il lui sembla apercevoir la silhouette d’un loup. Un loup gris aux yeux d’or. La voix de Cauchemar résonna dans sa tête, amusée et arrogante :
Posté le: Mar Jan 05, 2010 9:52 pm Sujet du message:
Si il y a des tas de lecteurs qui passent, mais c'est pas ta fic qu'ils lisent. Tu es rassurée
Tu voudrais pas mettre un lien vers chaque chapitre en première page, histoire que les gens en retard comme moi n'aient pas à les rechercher à chaque fois
Non... bon j'aurais essayé hum.
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Posté le: Mar Jan 05, 2010 10:40 pm Sujet du message:
Je l'ai lu sur Fanfic.net mais c'est plus simple pour commenter ici ^^
J'ai pas compris comment elle est revenue du royaume des morts Alyssa ^^' mais sinon j'ai beaucoup beaucoup aimé surtout le fait que Shizuru prennent enfin un peu plus soin de Natsuki... même si il a fallut que la pauvre se fasse tabasser pour débloquer Shizuru ^^'
Posté le: Mer Jan 06, 2010 12:12 am Sujet du message:
Aha, Mochan, sale bête va...bref, j'ai édité le topic, soit heureuse, tu n'as plus aucune excuse maintenant (et non, ne me remercie pas voyons XD)
Winry: Je te promet une explication sur Alyssa dans le chapitre suivant ^^
ç'aurait été trop confus d'en parler sur celui-ci donc j'ai preferé rester très évasive ^^;
Quand à Shizuru, ce n'est pas vraiment qu'elle est indifférente à tout ce qui touche Natsuki, simplement qu'elle a un reste de rancune et essaye de garder ses distances pour ne pas s'attacher trop à elle. (et elle a un peu la trouille aussi...j'aime ce perso, rien n'est simple avec lui XD)
Posté le: Mer Jan 06, 2010 12:18 am Sujet du message:
J'avais pas l'intention de te remercier :p Je suis obligée de lire maintenant tsss.
Bon je rééditerai quand j'aurai fini de lire tous les chapitres, histoire de pas spammer ton joli topic lol.
_________________ Membre de la ALES
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Posté le: Mer Jan 06, 2010 9:23 am Sujet du message:
Miyaki a écrit:
Quand à Shizuru, ce n'est pas vraiment qu'elle est indifférente à tout ce qui touche Natsuki, simplement qu'elle a un reste de rancune et essaye de garder ses distances pour ne pas s'attacher trop à elle
J'avais compris, j'ai juste était expéditive dans mon commentaire ^^'
Miyaki a écrit:
Winry: Je te promet une explication sur Alyssa dans le chapitre suivant ^^
Ah ça c'est une bonne nouvelle XD parce que j'ai relu 3 fois la fin parce que je pensais avoir loupé l'explication =_='
Inscrit le: 21 Mar 2009 Messages: 164 Localisation: Sur le toit.
Posté le: Sam Jan 09, 2010 10:38 pm Sujet du message:
Cauchemar est mon personnage préféré . Tu le sais déjà, mais je le dis quand même. Le rôle qu'il joue dans ce chapitre, c'est la classe absolue. Je suis curieuse aussi de savoir comment Alyssa s'en est sortie, et avec un peu de chance le "personnage" de Cauchemar y est pour quelque chose (je vais monter un fan-club, je suis fascinée ^^).
Cette version, comme tu le dis, est superbe (je trouve que c'est prétentieux de le dire, mais je le fais quand même ) et est très différente de celle que j'ai eu entre les mains, j'ai l'impression d'être face à un tout nouveau chapitre .
On a plus qu'à espérer que la suite arrivera bientôt, histoire d'avoir une explication a ce qui a bien pu se passer, exactement (enfin, quelques indices seraient déjà pas mal ^^).
Posté le: Sam Jan 09, 2010 11:54 pm Sujet du message:
"toute prudence jetée aux orties"=> fou rire (incongru, certes, au milieu de la fic XD)
Le loup aussi hein, mais bon, je pense que j'ai un problème avec cet animal pourtant si majestueux. (XD)
Sinon, c'est pour le moment mon chapitre préféré. Action, émotion, passion et suspeeeeeense... Il ne manque que la scène "romantique" (ha ha).
Bref, hâte de savoir ce qui s'est passé.
(mais quand même, cette pauvre Natsuki XD, ménage un peu son petit coeur hein...)
_________________ Et vous, vous dites chocolatine ou pain au chocolat?
Posté le: Mer Jan 13, 2010 11:50 pm Sujet du message:
Merci ^^
En ce qui concerne la suite, ça s'annonce franchement délicat au niveau des délais, je crains qu'on soit reparti pour 3 mois de silence radio de ce côté XD
Mais je ferais de mon mieux ^^
Briseglace a écrit:
Cette version, comme tu le dis, est superbe (je trouve que c'est prétentieux de le dire, mais je le fais quand même Cool ) et est très différente de celle que j'ai eu entre les mains, j'ai l'impression d'être face à un tout nouveau chapitre Wink .
Tant mieux, rétrospectivement la première version était vraiment light ^^;
Heureusement que tu m'as motivée pour revoir ça XD
Titange a écrit:
"toute prudence jetée aux orties"=> fou rire (incongru, certes, au milieu de la fic XD)
Le loup aussi hein, mais bon, je pense que j'ai un problème avec cet animal pourtant si majestueux. (XD)
Awoui. Pas faux, cette phrase est bidon et complètement incongrue, faut que je change ça XD
Quand au loup, j'étais sûre que ce petit clin d'œil te ferait plaisir ^^
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